mercredi 21 novembre 2018

Jour de paye (Charles Chaplin, 1922)

Le premier plan de Jour de paye est tout simple mais dénote toute l'inventivité de la mise en scène de Charles Chaplin. Ce plan commence avec quelques ouvriers qui bossent sur un chantier, leur rythme est normal, ils marchent normalement, ils transportent leurs outils et leurs briques comme dans n'importe quel film. Puis le contremaître arrive, donne un bon coup de sifflet et les ouvriers commencent à marcher rapidement comme dans un splastick des années 1910, dans un burlesque. Le tout dans un plan séquence.

Notre vaillant Charlot arrive alors, observant toute cette activité qu'il n'aime pas tant que ça. Il est en retard, il est derrière une barrière mais doit aller travailler. Pour tenter de ne pas se faire engueuler par le contremaître, il décide de s'approcher avec une fleur qu'il va lui offrir. Pas question de se laisser amadouer, laisse comprendre le visage peu amène du contremaître. Le gros et géant contremaître face à minuscule Charlot est aussi l'une des plus marquantes images de Jour de paye. L'ouvrier n'est rien face à la force du sifflet.

Chaplin cherche à créer de nouveaux gags par le montage inversé. Charlot est sur l’échafaudage, ses collègues sont sur le plancher des vaches. C'est un mouvement interrompu entre les deux niveaux, ceux d'en bas envoient des briques à Charlot et celui-ci les attrape dans un rythme effréné. Magie des images à l'envers que Chaplin utilise peut être un peu trop longtemps tout comme le gag du monte-charge qui ne cesse de monter et descendre menaçant chaque fois notre travailleur de manquer de tomber.

Le travail doit payer la pitance de l'ouvrier, mais ce que dit le film in fine est que l'ouvrier est si mal payé qu'il a du mal à s'acheter à manger. Sur ce monte-charge, il pique quelques aliments posés là et qui montent puis descendent. Mais le pain est sec et même avec une chignole pour la faire rentrer, la saucisse n'adoucit guère le pain sec, il faudra un tire-bouchon pour la faire sortir. Encore une fois, Charlot parle du travail comme une aliénation perpétuelle, répétitive et accélérée, Jour de paye le disait six ans avant Les Temps modernes.


Reste à causer des femmes. Edna Purviance a un minuscule rôle, celui de la fille du contremaître qui apporte à son père à manger, dont un camembert que Charlot sent avec un certain dégoût. Il y a aussi l'épouse, une mégère qui réclame la maigre paye. Charlot a beau essayer de cacher quelques billets dans son chapeau, elle est là derrière lui. Il ira boire des verres au café mais le soir, elle l'accueille avec le rouleau à pâtisserie quand il rentre soûl comme un cochon. Contremaître ou épouse, Charlot n'a jamais la vie tranquille, maison ou travail, c'est pas le rêve américain.















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