mardi 20 novembre 2018

De l'origine du XXIe siècle (Jean-Luc Godard, 2000)


A la recherche du siècle perdu, ce siècle, le 20ème, Jean-Luc Godard l'aborde en remontant le temps et en 16 minutes dans De l'origine du XXIe siècle, présenté et produit par le Festival de Cannes (simplement nommé « le Festival » dans le générique) et Canal + (surnommé « Canal + ou - »). Le film, d'une beauté inouïe est conçu de la même manière que ses essais faits à la maison, sans acteur et sans images originales. Des films de montage de ses cassettes vidéo et d'autres sources, peu importe d'ailleurs d'où sont issus les nombreux extraits de films et d'images.

La voix grave et sourde de Pierre Gyotat, celle cristalline de Lolita Chammah, la fille de Ronald Chammah et Isabelle Huppert et des notes de piano, tristes à en mourir. Car le siècle, pour moi (Moi = JLG) a été d'une constante tristesse, la guerre partout tout le temps, des guerres coloniales (le plan du zoo colonial) à Sarajevo (le car en début de film) en passant pour le goulag et les camps d'extermination, Hitler et Staline qui se suivent à l'écran et se ressemblent, la Guerre d'Algérie, le Viet Nam. Premier plan « vous partez à la guerre M. Antoine ? »

C'est un siècle schizophrène à l'image de Jekyll et Hyde (ici c'est Jerry Lewis qui l'illustre prolongeant la célèbre formule de la répétition de l'histoire tragique puis comique), c'est un siècle dégueulasse comme le dit Jean Seberg dans un extrait de A bout de souffle, c'est un siècle d'images sexuelles, en début de siècle un extrait de film muet, un sein nu qu'attrape une main, en fin de siècle, une femme nue avale de la pisse. La joie des premiers temps des Soviets contrastent avec les pendaisons des époux Ceausescu, la fin d'une époque (inscription de KONEC, fin en russe)

Au gré des extraits de films, le rythme s'emballe, un travelling de Danny l'enfant de Shining qui ne regarde pas le spectateur puisque cet enfant est le spectateur désormais dans le cinéma américain et comme d'habitude, le cinéma c'est la mort au travail, celle de Grandval dans un extrait du Plaisir de Max Ophuls, mais le son est différent, on entend « The Night they Invented Champagne » le morceau de Gigi de Vincente Minnelli chanté par Leslie Caron et Louis Jourdan. JLG organise en images le fond de ses formules les plus connues.


De l'origine du XXIe siècle est l'un des plus beaux films de Jean-Luc Godard, son émotion se distille dans sa cadence haletante et paradoxalement joyeuse, une joie de faire un film très écrit, une histoire de l'Histoire bien plus complexe que ses Histoires(s) du cinéma, travail au long court qui lui a pris plus de 10 ans de montage et de travail sur les images, là-bas dans sa Suisse imaginée comme un studio de production. Le court-métrage est disponible en DVD (chez EGM), il reste encore pas mal de ces essais à éditer, car le cinéma de JLG au 21ème siècle ce sont surtout de beaux films courts.
































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