jeudi 22 novembre 2018

Frankenstein (J. Searle Dawley, 1910)

L'un des mes amis a récemment poste sur Facebook un article au sujet du premier film adapté de Frankenstein. Le roman de Mary Shelley est sorti il y a tout juste 200 ans et cette première version « librement » adaptée date de mars 1910, tournée par J. Searle Dawley pour le studio new-yorkais de Thomas Edison. Le film, d'une durée de 12 minutes, est visible par tout le monde sur le site de la Libray of Congress (ici), il a été restauré et il est facilement téléchargeable (je dis cela pour un meilleur visionnement plutôt que les copies qui traînent sur youtube).

Dans ce noir et blanc tainté (rouge, bleu et gris), Victor Frankenstein quitte sa chère famille pour faire ses études. Après deux cartons, on apprend qu'il a découvert le mystère de la vie en à peine deux ans d'études. Dans un décor que n'aurait pas renié Hamlet, tenant dans sa main un crâne humain, l'étudiant Frankenstein – pas encore professeur donc – jubile d'avoir trouvé la formule. Il s'empresse de l'écrire. Et il s'empresse d'écrire une lettre à sa fiancée Elizabeth annonçant « la création d'un être parfait tel que le monde n'en a jamais connu ».

La fabrication de ce monstre de Frankenstein tient plus du Golem. C'est par le feu, dans un four devant lequel est assis un squelette que l'étudiant invente sa créature. A l'image, le monstre semble fondre à l'envers (le plan est tout simplement monté en sens inverse), ça donne l'effet d'une bougie qui reprendrait vie. C'est d'abord une simple marionnette avant qu'un acteur ne vienne jouer le monstre. Il y a ainsi une certaine poésie macabre dans cette mis en vie de l'invention de Frankesntein qui prend très vite peur devant ce qu'il a fait.

Le monstre de Frankenstein ne ressemble pas à celui de James Whale. C'est plutôt une variation de loup-garou (des poils partout, hirsute), des grands bras fins, le dernier sursaut de la mort. Il évoque aussi Mister Hyde qui existait déjà au cinéma. Sa monstruosité me fait penser au samouraï de Kagemusha, mais je divague. Un carton indique que la créature « hante son créateur et est jaloux de sa fiancée ». Ainsi quand Frankenstein revient chez ses parents (l'Allemagne tient à un décor peint et à une porte fenêtre), le monstre le suit.


Dans la chambre de la maison familiale se trouve un miroir. Il est situé à droite du cadre 1:33. Frankenstein, sa fiancée Elizabeth et le monstre ne cesseront de s'y refléter. Mais quand le monstre prend conscience de son hideux corps et de horrible visage, il est celui qui prend le plus peur et son corps « humain » disparaîtra, seul l'image de son reflet subsiste. Le créateur entre alors dans la pièce et il fait face à l'image de sa créature, c'est sa propre monstruosité de démiurge à laquelle il se confronte. C'est l'une des idées les plus poétiques de ce Frankenstein de 1910.
















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