jeudi 29 novembre 2018

Invasion Los Angeles (John Carpenter, 1988)

En octobre, on fêtait les 40 ans de La Nuit des masques, désormais uniquement appelé Halloween (ressortie du film et remake produit par Carpenter), en novembre on aurait pu célébrer les 30 ans de la sortie de Invasion Los Angeles, qui fait aussi un retour dans les salles de cinéma. J'avais vu le film à la télé, sans doute doublé en français, c’est ma première sur grand écran. Voir cette charge anti libérale prend aujourd'hui une certaine ironie. Par un retour de bâton du consumérisme exacerbé, tout un tas d'objets surtout des t-shirts sont vendus avec le mot Obey.

Récit linéaire, décors naturels et aucune vedette, John Carpenter n'a pas le choix après le bide commercial de Jack Burton de revenir à la série. On imagine très bien que Kurt Russell aurait pu jouer ce Nada qu'interprète Roddy Piper, même physique, même coupe de cheveux mais pas le même jeu d'acteur, loin de là. Ça pique un peu les oreilles et les yeux, mais bon, ce n'est pas pour rien qu'il s'appelle Nada, rien en espagnol (d'ailleurs, on n'entend jamais son nom et encore moins son prénom sauf erreur, j'ai découvert le patronyme de son personnage en lisant le générique de fin).

On ne saura rien du passé de notre baroudeur à chemise à carreaux. Son sac à dos est le seul signe de sa vie passée. Pas de psychologie, que des images et de l'action. Ainsi ce qu'on remarque dans les premiers plans où il traverse des quartiers en friche (voies ferrées, immeuble en construction, terrains vagues), c'est qu'il pleut. De la pluie dans la cité des anges où il ne pleut jamais, raison pour laquelle on a fabriqué Hollywood. Mais chez Carpenter, il pleut à Los Angeles, comme pour déjà marquer dès le générique le dérèglement des sens.

Cela aurait pu se passer dans des quartiers pauvres de New York, le Bronx ou le nord de Manhattan, à l'époque où New York était un coupe gorge, mais John Carpenter n'aurait pas pu filer la métaphore sur le cinéma, passer des images en couleurs (disons ces séquences dans le bidonville, dans le chantier, plutôt réalistes) au noir et blanc (la série B dans une science-fiction paranoïaque et violente), c'est comme passer d'un gros budget à un cinéma économique. Le tout en chevauchant des lunettes de soleil que Nada a trouvées dans une église.

Il ne s'agit pas de foi (Dieu merci) mais au milieu de ce bidonville où Nada s'est fait quelques amis dont Frank (Keith David), rencontré sur le chantier), une église est le centre de la résistance. La télé est toujours allumée, délivrant ses pubs et ses news (ça ne s'est pas amélioré en 30 ans), les visages restent sans réaction aucune sauf quand le canal se fait pirater et qu'un barbu commence, entre deux grésillements et quelques nuages dignes de Poltergeist à inciter les gens à fermer leur télé. Un prédicateur, Nada en a déjà croisé un plus tôt.

Dans les deux cas, la police débarque pour faire taire toute sédition. La bidonville est détruit, Nada se réfugie dans l'église et découvre un carton plein de lunettes. Il en chausse un paire et découvre ce que les prédicateurs décrivaient. Jusqu'à présent, Nada était aveugle mais avec ces lunettes – qui le font ressembler à un aveugle, d'autant que son jeu expressionniste en rajoute – il voit enfin l'univers tel qu'il est vraiment. C'est un monde en noir et blanc où tout est remplacé par des slogans impératifs prônant l'obéissance, la consommation et le conformisme. Bienvenue dans l'Amérique de Ronald Reagan.

Seulement voilà, Nada ne veut pas être le seul à voir la vérité. Il la partage certes avec le spectateur dans un mouvement de balancier simple avec lequel John Carpenter joue comme dans une comédie horrifique. Il veut que Frank découvre cette vérité. Cela passe par un combat de rue, du catch comme Roddy Piper sait en faire (oui, il était catcheur). Une bonne grosse baston de 7 minutes où Nada force Frank à porter les lunettes alors que ce dernier refuse tout net. Nada veut le dessiller à grands coups de poing et d’œil au beurre noir.

Nada a besoin d'un allié pour combattre ceux qu'il voit avec ces lunettes, des « ghouls » comme le dit le générique final, des extra-terrestres venus d'une galaxie lointaine (Alpha 10, rien que ça) et qui ressemblent à des squelettes. La description de la collusion entre les possédants et ces aliens tient de la collaboration. Le sous-terrain où Nada et Frank se rendent, les quartiers généraux de tout ce laid monde, est donné sur un ton de comédie quasi burlesque avec un guide fier de montrer le niveau de collaboration (dans le sens collabo de guerre).


Avant que Nada ne convainque Frank avec des arguments massue de rejoindre la résistance, il avait essayer d'enrôler Holly Thompson (Meg Foster), une belle blonde qu'il prend presque en otage. Holly travaille justement à Cable 54, l'organe officiel du mensonge, le fabricant de ces filtres et de ces messages subliminaux. Pour indiquer son dégoût de la télévision qui nivelle tout par le bas, il fait causer un chroniqueur : « toute cette violence sur les écrans, on en a assez, ces réalisateurs comme George Romero ou John Carpenter devraient faire preuve de retenue ».


























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