vendredi 25 septembre 2020

Lucie Aubrac (Claude Berri, 1997)

A la toute fin de Lucie Aubrac, avant le défilé du générique apparaît un carton postérieur au film (il date de 1999) qui déclare qu'un Tribunal ordonne de dire qu'un des personnages du film, celui joué par Pascal Greggory a été deux fois jugé innocent de collaboration avec l'ennemi. Juste avant, un carton reproduit un mot de Lucie Aubrac, encore vivante en 1997, qui adoube Claude Berri et ce récit que l'on a vu : « J'ai accepté de donner mon nom à ce film en raison du soutien apporté par Claude Berri à la Fondation de la Résistance ».

Peu m'importe la Vérité Historique, si cela veut vraiment dire quelque chose, ce qui compte est le point de vue donné. Rien dans Lucie Aubrac ne me semble extravagant ou incohérent au point de dire « non ça n'aurait pas pu se passer comme ça ». Parce qu'il faut bien le dire, l'histoire de Lucie Aubrac force souvent la fiction, au détriment du documentaire, pour faire avancer les deux personnages, Lucie (Carole Bouquet) et Raymond (Daniel Auteuil) dans une course-poursuite perpétuelle aux allures de surplace.

Le film commence au petit matin avec Raymond et quelques résistants, ils posent des explosifs pour faire sauter un pont et un train rempli de soldats allemands. Action en direct, sans dialogue, les gestes sont précis, l'explosion détruit le train, ils parviennent à s'enfuir. Puis, c'est une allée tranquille, une maison modeste mais accueillante. Au lit, au petit matin, comme si de rien n'était, le couple se réveille amoureusement. On apprend qu'ils ont un fils et aussi une bonne qui s'occupe de l'enfant quand ils ne sont pas là. Voilà Lucie qui part en vélo et Raymond à pied. On suit leur parcours respectif.

Lucie Aubrac est institutrice dans une école pour filles. Elle donne une leçon sur les droits des femmes, ce qui peut paraître anachronique en mars 1943. Pour dire vrai, en voyant cette scène, je me suis trouvé comme devant Le Maître d'école quand Coluche fait parler ses enfants. La scène est aussi peu emballante. Mais il fallait montrer l'esprit révolutionnaire de Lucie Aubrac et Claude Berri ne semblait pas avoir d'autres idées que celle-ci. Le film fait coïncider ses deux résistances, contre les nazis et contre Pétain, mais c'est la liaison qui va former l'arc narratif, l'histoire d'amour au-delà des résistances.

Les réunions de la cellule à laquelle appartient Raymond ne sont pas mises en scène. En revanche, ce sont les trajets qui sont filmés avec une volonté nette de créer du suspense. C'est du documentaire en temps réel, l'arrivée de chaque participant est scrutée, les regards à droite et à gauche pour être certain de ne pas se faire repérer, l'inquiétude sur les visages. Si les réunions de Raymond ne sont pas filmées c'est tout simplement qu'elles ne peuvent jamais avoir lieu : les deux fois, la milice française puis la Gestapo arrêtent les résistants.

Chaque fois, dans cette grande histoire d'amour qui les lie, Lucie prend le relais narratif. Elle élabore des plans pour faire libérer Raymond. Là, les réunions sont mises en scène, elle prend le dessus sur les hommes en féministe qu'elle est. Elle perturbe le bon fonctionnement des réseaux. Lucie se transforme en partisane de l'occupant (enfin presque), il suffit d'un simple accessoire, un coup rouge à lèvres vif, pour passer les contrôles afin de plaider sa cause aux collabos et même à Klaus Barbie, tortionnaire en personne de son mari.

Là encore, comme pour les trajets de Raymond ou Jean Moulin (que joue engoncé dans son écharpe blanche Patrice Chéreau), Claude Berri filme les tentatives d'évasion en direct. Là, peu importe la vérité historique, peu importe qu'il faille un bon moment pour qu'on reconnaisse Jean Moulin et Klaus Barbie, ce qui compte est la montée d'adrénaline, le suspense grandissant et enfin les retrouvailles avec ce baiser devant les mitraillettes qui fusent comme dans un film d'action hollywoodien. Lucie Aubrac a sauvé Raymond Aubrac, là est le sujet du film.



























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