dimanche 6 septembre 2020

Ebola syndrome (Herman Yau, 1996)

Attention, ceci n'est pas un film scientifique. Même si des médecins donnent, deux fois, des explications sur la maladie, sur sa transmission, sur ses symptômes et ses effets sur les personnes affectées. Avec toujours une statistique donnée : on meurt du virus ébola mais un malade sur 10 millions est un porteur sain, ce porteur sain est Kai (Anthony Wong) et il va ravager par ses actes inconséquents l'Afrique du sud puis Hong Kong.

Produit par Wong Jing, l'homme qui filme plus vite que son ombre, classé en Catégorie III à Hong Kong à sa sortie en 1996, tourné par Herman Yau, un solide artisan et interprété par Anthony Wong au pire de sa forme physique, il était lui-même malade à cette époque, il était bouffi et cela sert grandement le film, Ebola syndrome est l'un des fleurons de ce cinéma qui ose à peu près tout et n'a de limite que sa durée (98 minutes).

Il faudrait essayer d'imaginer Wong Jing, Herman Yau et Anthony Wong autour d'une table en train de discuter du film. « Dans cette scène, tu devras forniquer avec une femme en train de mourir. Ici, tu devras te masturber dans un morceau de viande. Plus tard, tu arracheras avec tes dents l'œil de ta patronne. Là, tu violeras une femme morte. Ici, tu diras des horreurs racistes ». Ils ont du bien se marrer, n'est-ce pas ?

La première séquence donne le ton. Elle dure 10 bonnes minutes. Dans l'arrière boutique d'un restaurant, Kai entreprend la femme de son patron. Gros plan sur leur visage en plein coït vite fait mal fait, grognement de Kai. Puis le patron arrive, tabasse son employé et sa femme qui prétend que Kai est à l'initiative. Kai se défend très violemment, tue la femme, le patron et un employé sous les yeux de leur fillette cachée dans une autre pièce. Il jette du fioul sur l'enfant pour foutre le feu mais s'enfuit avant son acte.

Son geste est arrêté in extremis par un homme qui entre dans la pièce. Tout ce que trouve à dire Kai est «  je les ai tués, qu'il y a t il de mal à ça ? ». C'est que Kai ne se pense comme un bourreau mais comme une victime. Tout le monde lui en voudrait dans le film. On est entrain de regarder un film où le « héros » est l'incarnation du Mal, ce qui implique une impossibilité de s'identifier à lui. Si comme disait Hitchcock, plus le méchant est réussi, meilleur est le film, alors Ebola syndrome est un chef d’œuvre du cinéma de Hong Kong.

Ce qu'il est. A sa manière. Herman Yau se pose les bonnes questions de mise en scène pour filmer son monstre. Il y a d'abord cette musique angoissante faite de voix lugubres et ces cadres souvent obliques qui perturbent les sens, ce mélange de gros plans sur le visage peu ragoutant d'Anthony Wong avec ses plans d'ensemble. Tout est mise en place pour provoquer le vertige, pour instaurer une impression durable de mal à l'aise.

C'est Lily (Angel Wong) qui incarne ce vertige avec ses accès de vomis chaque fois que Kai se met sur son chemin. Lily était l'enfant témoin du meurtre de ses parents. Dix ans plus tard, elle est devenue hôtesse de l'air. Kai s'est réfugié en Afrique du sud, lors d'une escale, elle se rend avec ses collègues et son fiancé dans un restaurant chinois où Kai s'est fait embauché. Il cuisine et sert parfois les plats aux clients.

Le premier plan de sa nouvelle est franchement cru. Il découpe des grenouilles avec un hachoir, plan en plongée sur les batraciens déchiquetés grossièrement, tandis qu'on entend la voix de Kai maugréer contre ses patrons, encore une fois. Il déteste tout le monde. Le spectateur est témoin de sa haine viscérale et de sa soif de sexe. Frustré, Kai se masturbe dans une tranche de viande en écoutant son patron coucher avec sa femme, puis remet la viande au frigo.

Le plus étonnant dans Ebola syndrome, c'est que rien ne semble freiner Herman Yau et son équipe. Dans les autres films, on savait que l'on aurait le temps de reprendre son souffle. Herman Yau ne nous le donne pas. On passe d'un viol à un meurtre, d'un réflexion xénophobe sur les Blancs ou les Noirs à des corps en putréfaction, sans oublier du sang à gogo (un des personnages se casse la gueule dans une marre de sang) et un jet de vomi.

Le plus crade de tout : Kai soulage sa frénésie sexuelle en violant une Zouloue. Son sexe se coince. Il essaie de se dégager en frappant avec une pierre le crâne de la femme. Voici comme il contracte le virus. A peine affecté par le virus, il veut tout de suite se taper la femme du patron. Ce dernier arrive, s'interpose, Kai le tue. Il s'occupe de la femme (une mégère qui n'arrêtait pas de harceler son employé) et la tue (elle l'avait bien mérité, le personnage d'Anthony Wong est très misogyne).

Pour se débarrasser des corps, il en fait de la chair à hamburger. Les clients adorent la nouvelle recette du chef. Tous attrapent la maladie et meurent les uns après les autres. Ça commence à sentir le roussi et Wong décide de rentrer à Hong Kong où il poursuit sa contamination. Et ainsi de suite. D'une certaine manière, le spectateur est peu à peu fasciné par l'esprit malsain que dissémine le film.


Si on reste fasciné par tant d'horreur, c'est aussi qu'il se dégage un rire jaune un peu sarcastique devant la bêtise d'à peu près tout le monde, les différents patrons de Kai, les flics qui sont tous plus incompétents les uns que les autres, les victimes qui se moquent toutes de Kai. L'exagération totale mise en œuvre, rien de scientifique je le redis, le film n'analyse pas cliniquement la maladie, autorise aussi cet humour de très mauvais goût.







































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