samedi 19 septembre 2020

Les Choses qu'on dit, les choses qu'on fait (Emmanuel Mouret, 2020) + Antoinette dans les Cévennes (Caroline Vignal, 2020)


De chaque côté du Rhône, on se trompe allégrement. Rive gauche, côté est Emmanuel Mouret place ses pions dans le Lubéron, rive droite, côté ouest Caroline Vignal traverse les montagnes des Cévennes. L'adultère est ainsi l'art suprême de la mise en scène. Les personnages font tout pour ne pas se faire prendre tout en alertant l'être aimé de leur désir.

L'institutrice Antoinette (Laure Calamy) finit la fête de l'école où elle travaille avec une chanson d'amour de Véronique Samson, chanson dédiée sans le dire à son amant qui observe la scène avec une certaine gène non dénuée de fierté. Le papa en question, Vladimir (Benjamin Levernhe) a une liaison avec l'enseignante de sa fille.

Les vacances sont là, Vladimir annonce à Antoinette qu'il part en vacances en famille, fillette et maman (Olivia Côte). Il n'en faut pas plus à Antoinette butée comme l'âne Patrick (excellent nom pour un âne) qu'elle loue pour décider de partir dans les Cévennes sur les traces de son amoureux qui n'en demandait pas tant.

Le prétexte est un mensonge éhonté, suivre les traces de Stevenson. Mais la citadine a bien du mal à se dépêtrer dans les sentiers rocailleux avec cet animal mais cette lenteur va transformer l'attente de croiser Vladimir. Elle est toujours en retard, sous les gentilles moqueries de ceux qu'elle croise dans les gîtes, et parfois en avance au risque de se faire coincer.

Le film déjoue tous les clichés sur l'adultère donc la mise en scène élaborée par Antoinette, soit l'improvisation au jour le jour pour voir son amant. Antoinette fonctionnait comme si elle était en ville, tout en vitesse, son escapade lui permet de comprendre deux choses : que la femme trompée est au courant et que ce Vladimir n'est pas si terrible que ça.

Emmanuel Mouret commence son film par la rencontre deux personnes qui ne se connaissent pas encore. Daphné (Camélia Jordana) vient chercher Maxime (Nils Schneider) à la gare d'Avignon. Maxime est le cousin du petit ami de Daphné, François (Vincent Macaigne) n'est pas là. Le duo file dans une maison de campagne cossue.

La meilleure manière de se connaître est encore de se présenter. Daphné sait que Maxime a eu un gros chagrin d'amour. Entre deux visites touristiques de crypte de monastère ou de vigneron, Daphné encourage Maxime à se lancer dans le récit de sa vie amoureuse. Voilà parti le premier flash-back des Choses qu'on dit, les choses qu'on fait.

Voici le meilleur ami de Maxime, Gaspard (Guillaume Gouix), beau gosse qui traverse les pièces en robe de chambre en soie. Ils sont traducteurs, ils partagent un petit appartement, ils travaillent dans la cuisine. Voici Victoire (Julia Piaton) le plan cul de Maxime. Lors d'un vernissage, Maxime comprend que Victoire est la grande sœur de Sandra (Jenna Thiam).

Sandra était une ancienne petite amie de Maxime, elle devient leur amie commune puis la petite amie de Gaspard. Tout change dans leur vie, ils déménagent tous les trois dans un immense appartement parisien. Evidemment, le désir de Maxime pour son ex, devenue la maîtresse de son pote et sa colocataire reprend.

Stop. Pour ménager le suspense de cette histoire d'amour compliquée, Emmanuel Mouret revient dans la Lubéron et se tourne vers Daphné pour raconter comment elle a rencontré François. Voici un nouveau flash-back. Daphné, jeune monteuse de documentaire, raconte comment elle rencontre ce barbu timide et peu sûr de lui.

La beauté narrative du film tient dans cette addition de personnages du début à la fin. On part de deux pour arriver à neuf. Les entrecroisements ne m'ont jamais semblé plus limpides que dans aucun film d'Emmanuel Mouret. Le saut qualitatif entre Mademoiselle de Joncquières et ce film est tellement énorme qu'il me surprend et me ravit.

La petite musique d'Emmanuel Mouret vient de ses dialogues donnés mezzo vocce, un partition qui va avec les morceaux de piano qui servent de transition entre les bribes de récit. Ce qui est très fort c'est qu'il parvient à créer du suspense avec ces histoires vues et revues dans tous les films d'amour. C'est du grand art de conteur auquel je ne m'attendais pas du tout.

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