dimanche 13 septembre 2020

L'Amour c'est gai l'amour c'est triste (Jean-Daniel Pollet, 1968)

Un léger cheveu sur la langue, Léon (Claude Melki) est un tailleur pour messieurs toujours tiré à quatre épingles, c'est bien le moins, portant bretelles et nœud papillon. Seulement voilà, il est un peu lent à façonner les costumes sur mesure. Ça n'en finit même jamais, portant l'achèvement de la veste de jour en jour, de semaine en semaine, retravaillant le modèle au grand dam de son ami qui lui a commandé et qui aimerait tant le porter le dimanche suivant.

Son atelier de couture, c'est son appartement. Le film n'en sortira que ytrès rarement, Léon descend les poubelles (on est dans la cour intérieur), Léon va au café voir ses amis qui jouent au billard et se moquent de sa lenteur générale, Léon accompagne Arlette (Chantal Goya) à la gare. Mais Léon partage l'appartement avec sa sœur Marie (Bernadette Lafont), bien plus vive et pimpante que le frangin. Elle aussi travaille dans l'appartement.

Sur la porte d'entrée, il est bien indiqué l'activité de Marie, voyante, mais Maxime (Jean-Pierre Marielle, sans moustache) lui procure des clients qui viennent chercher autre chose que l'avenir. Cela Léon l'ignore, Marie se prostitue chez elle, dans la petite chambre pendant que Léon coud ou tente vainement de tirer de l'eau du robinet de l'évier. Maxime se moque allégrement de cette candeur qui ne cesse de l'étonner.

Et puis arrive Arlette, la jeune femme vient de Morlaix pour faire quelque chose à Paris. Elle débarque avec sa petite valise invitée là par Marie qu'elle ne connaissait pas le matin-même dit-elle. Elle plaît bien à Léon la petite Arlette, il va être tout soin pour elle. Chantal Goya a une toute petite voix qui contraste avec celle, forte et gouailleuse de Bernadette Lafont. La chanteuse n'est pas venue seule, son mari Jean-Jacques Debout fait la musique du film.

Dans ce petit théâtre de la vie quotidienne où Léon occupe le centre, le langage a son importance. Malgré son air rétro, le film est dialogué à la moderne, ça passe par le langage fleuri, les calembours (« t'es camé Léon »), les vannes bien senties, les gros mots enveloppés dans de belles phrases. Le film s'éloigne ainsi de la théâtralité, du hiératisme par une caméra très mobile qui encercle les situations et touche une certaine modernité.


Le doux romantisme de Léon est mis à rude épreuve par la trivialité de la vie. Arlette est transformée en poupée par Maxime et les clients défilent à l'appartement : Luc Moulet, Rufus, Jacques Doniol-Valcroze et le plus marquant Dalio. Le lieu est soudain devenu un cabaret avec musiciens tziganes. Voilà la petite musique gaie et triste de Jean-Daniel Pollet à l’œuvre, désuète tout autant que dans l'air du temps.




























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