mercredi 6 novembre 2019

La Viaccia (Mauro Bolognini, 1960)

La Viaccia, c'est le nom de la propriété des Casamonti. C'est sur des collines de l'arrière pays florentin. Quand commence le film de Mauro Bolognini, c'est jour de deuil, le grand-père est en train de mourir. Il appelle son fils Stefano (Pietro Germi) qui travaille la terre depuis des années, depuis toujours. Le vieillard a quelque chose à dire à son petit-fils Amerigo (Jean-Paul Belmondo), que tout le monde surnomme Ghigo. Et quand Ghigo arrive au chevet du grand-père, ce dernier meurt dans ses bras. Ghigo doit s'extirper des mains du mourant, dans un geste quio montre son mépris pour cette terre qu'il considère comme une maladie.

Ghigo va partir à Florence chez son oncle Nando (Paul Frankeur), le frère de Stefano. Nando est devenu le propriétaire de la Viaccia, par un petit tour de passe-passe, il s'accapare cet héritage qu'il promet de rendre à Stefano quand il viendra lui aussi à mourir. Il tient un café, il vit avec son concubine la Beppa (Marcella Velari), une grosse bonne femme qui cherche à toute force à faire reconnaître son fils par Nando. Ce qu'il a toujours refusé, il prétend même qu'il n'est pas son fils. Pour l'instant, il accueille Amerigo à qui il donne des tâches ingrates et qu'il loge dans l'arrière-boutique avec les balais et les seaux.

La Florence de La Viaccia est toute brumeuse. Toute grise. Totalement sinistre. Cela est accentué par la musique de Claude Debussy dont l'air dépressif est scandé régulièrement. Ghigo traîne son ennui dans les rues où il repère une belle jeune femme. Bianca (Claudia Cardinale) est une prostituée qui opère dans une maison close. Ghigo tombe immédiatement amoureux de Bianca. Mais pour parvenir à payer les charmes et le corps de la jeune femme, il doit voler dans la caisse de son oncle. Il va pouvoir ainsi devenir un fidèle client, arborant son silence dans les couloirs, escaliers et salons du bordel.

C'est cela qui frappe le plus dans ce rôle de Jean-Paul Belmondo. Il est totalement physique et pratiquement muet. Jamais je n'ai eu l'impression qu'il ne disait aussi peu de choses dans un film. Ce caractère taiseux est compensé par l'esprit sanguin quand quelqu'un s'intéresse de trop près à Bianca. C'est un paresseux qui déteste travailler mais tout passe par ses postures, assis, debout, allongé, par ses regards énigmatiques, par ses sourires sarcastiques face aux autres clients de Bianca. La direction d'acteur de Mauro Bolognini est impressionnante dans cette manière de montrer toute cette haine et tout cet amour en quelques gestes.

Régulièrement, Ghigo fera des allers-retours entre Florence (où il se fait chasser par son oncle), le bordel (où Bianca le manipule tout en étant sensible au charme du jeune homme) et la ferme de la Viaccia. Ce qui ressort est un portrait général de cette Italie provinciale où les traditions créent des personnages d'une bêtise et d'une méchanceté incroyables. Avarice, cupidité, orgueil, jalousie, honte, priapisme. Pas un pour rattraper l'autre. La pauvre mère, comme toutes les femmes, subissent la fierté des hommes. Leur esprit plein d'archaïsme les pousse à accepter les décisions iniques plutôt que de chercher à changer.


Amerigo même en cherchant à s'éloigner de cette famille malade de la terre reste contaminé, il le sait et ne peut pas aller contre son destin. En milieu de film, il semble intéressé par la politique. Dante (Romolo Valli), un ami de son village méprisé par Stefano, fait partie d'un mouvement socialiste que le pouvoir italien de l'époque cherche à étouffer dans l’œuf. Même là, Ghigo refuse le changement comme prisonnier de cette vie qui reste son destin. C'est cette fatalité qui le fait mourir presque comme dans A bout de souffle, dans un dernier trouble cinématographique.



















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