dimanche 10 novembre 2019

Gran bollito - Black journal (Mauro Bolognini, 1977)


C'est vraiment la bizarrerie du mois, voire de l'automne. Il faut faire abstraction de ce tritre en anglais complètement aberrant (Black journal) alors que le titre italien Gran bollito, le grand bouillon, apporte une sonorité cocasse, une rondeur comme celle de Shelley Winters. Elle est Léa, une italienne rondouillarde qui arrive chez elle après un long voyage en éructant, en gueulant contre tout le monde, en parlant fort. Les voisines observent de leur fenêtre le retour avec une certaine appréhension, ils doivent bien connaître son caractère de cochon.

Dans le court générique, on pouvait remarquer la présence de trois acteurs, sous leur nom la mention « dans le rôle » avec des prénoms féminins. Voilà la première bizarrerie du film. Premier à arrivée dans l'escalier pour accueillir Léa et l'aider à monter ses bagages, c'est Lisa (Max Von Sydow), grande blonde aux manières apprêtées qui pose constamment sa main droite sur son oreille et ses boucles. Dans ses rêves, elle pense qu'elle est attaquée et violée par le diable. Ses amies l'écoutent d'une oreille, lasse de ses élucubrations.

Voici les autres amies de Lisa et Léa. Stella Kraus (Renato Pozzetto), chanteuse de cabaret qui veut faire croire (la belle illusion) qu'elle est allemande. Elle drague sans vergogne le petit curé aux yeux bleus qu'elle trouve très à son goût. La troisième est Berta Maner (Alberto Lionello) qui vient de gagner au loto et qui veut rejoindre son mari en Amérique, l'eldorado pour fuir l'Italie fasciste, c'est à cette époque que se déroule Gran bollito. En fin de film, les débuts de la guerre sont évoqués quand Michele (Antonio Marsina) part à l'armée.

Michele est le fils de Léa. Il est son trésor, elle le couve comme une mère poule jusqu'à le sécher à la serviette son grand garçon quand il sort, complètement à poil de son bain. C'est un grand bébé ce Michele et Léa est persuadée qu'il aime les hommes. Elle est ravie de ça parce qu'elle pense qu'il ne va jamais quitter le nid familial. Un jour, elle débarque à l'impromptu dans un café pour garçons tous habillés en blanc et bien apprêtés, elle le cherche. Là, elle se rend compte qu'il est le seul avec une fille Sandra (Laura Antonelli), un professeur de danse pour fillettes.

C'est sans doute avec cette découverte que Léa commence à péter les plombs. Dans la première moitié du film, tout ce beau monde bariolé s'en donne à cœur joie dans l'exubérance la plus absolue. C'est extrêmement drôle et délirant, pas seulement parce que ces trois acteurs jouent des femmes d'une incroyable vulgarité mais aussi parce qu'elles ne semblent même pas avoir conscience de leur vulgarité, de leur fatuité, toujours à se plaindre ou à draguer lourdement. Ça ne va pas durer longtemps. Léa décide de se débarrasser de ses trois chères amies.

Il paraît que c'est tiré d'un fait divers authentique. La manière de Mauro Bolognini de transcender la réalité pour augmenter la fiction est jouissive. Léa va donc transformer Lisa, Berta et Stella en savon. Auparavant, elle tranchera la tête de ses amies avec un hachoir. Elle avait préparé avec patience son coup, sciant deux des pieds de sa table de cuisine pour que le sang coule plus facilement. Puis, elle fait bouillir le tout dans une marmite en ajoutant de la soude caustique. Elle s'amuse comme une enfant dans sa cuisine.

Quand elle commet ses petits meurtres, le mari de Léa (Mari Scaccia) victime d'une crise cardiaque, se met à réagir. Tina (Milena Vukotic), qui sait à peine parler, devient la complice de tout cela. Il ne reste plus qu'à l'opinion publique à réagir (c'est-à-dire les deux voisines jalouses) et la police (le commissaire a un visage déjà vu dans le film) à reconstituer toute cette horreur. D'autant que Sandra est menacée par sa future belle-mère. Bref, voici vraiment le film le plus bizarre de la saison. Après un petit tour en salle, il va sortir en DVD.

Aucun commentaire: