samedi 9 novembre 2019

Différent des autres (Richard Oswald, 1919)

La réputation du film, son impact historique et son caractère pionnier sont plus importants que le film lui-même. On peut même dire que Différent des autres est médiocre, en tout cas dans le version qu'il reste de ce long métrage qui a désormais 100 ans. Il ne reste que 50 minutes dont plusieurs scènes se contentent d'être des photos fixes, peut-être des photos de plateau pendant le tournage où l'on voit tous les protagonistes dans des poses compassées.

C'est la République de Weimar qui a permis toute une série de film sociaux, une période d'à peine 15 ans coincée entre la première guerre mondiale et l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Hitler et les nazis avaient une sainte horreur de ces films que Bardèche et Brasillac, admirateurs du Führer, décrivent ces films « qui se réclamaient de valeur éducative mais qui s'attachèrent à peindre aux jeunes gens la tristesse des anomalies sexuelles » (Histoire du cinéma, 1938).

Le film cherche justement à mettre en avant les contradictions de la loi allemande dite « Paragraphe 175 », le sous-titre du film qui condamne l'homosexualité. Cette loi scélérate et abrogée qu'en 1994 conduisait certains à faire chanter des hommes. C'est le nœud narratif de Différent des autres. En début du film, le violoniste Paul Körner (Conrad Veidt) lit dans le journal la longue litanie de ceux qui se sont suicidés.

L'acteur, filmé en gros plan, prend une mine contrite – son jeu est extrêmement théâtral – pour évoquer le triste destin de tous ces hommes punis pour leur amour des hommes (un tableau montre quelques homosexuels notoires de Léonard de Vinci à Louis II de Bavière). Körner vit reclus et cela depuis toujours comme le montre un court-flash-back inséré en mi-temps (l'une des rares innovations du film) lorsqu'il était lycéen.

Il se trouve un jeune homme, Kurt Sivers (Fritz Schulz) dont les regards insistants ne trompent personne. Il admire le violoniste et veut devenir son élève (et plus si affinités, si j'ose). Evidemment, les familles respectives ne voient pas vraiment d'un bon œil cette amitié, cet amour. C'est là que le docteur Magnus Hirschefeld entre en jeu dans son propre rôle de sexologue qui affirme, lors d'une conférence, que l'homosexualité est normale et non une perversité.

Le message est clair et limpide et tend à convaincre le public. Différent des autres a longtemps dû lutter contre la censure et l'acharnement des ligues de vertu à interdire le film. Sur le DVD allemand que j'ai vu, il existe aussi une deuxième version du film (durée 40 minutes) qui propose un scénario légèrement différent où presque tout est axé sur un suspense racoleur : le violoniste est régulièrement harcelé par un maître chanteur.


On le trouve dans les deux versions ce Franz Bollek (Reinhold Schünzel), homosexuel lui aussi, qui profite de cette loi pour extorquer Paul Körner. Le visage de Bollek est clairement celui d'une ordure et filmé comme tel, un sourire carnassier et des yeux de hyène. Le film, version 50 minutes, démontre en enfonçant le clou l'inanité de cette loi 175. Pour appuyer encore plus le propos, le maître chanteur est condamné par le justice plus fort que Körner.




















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