jeudi 28 novembre 2019

Gloria mundi (Robert Guédiguian, 2019)


Je ne chronique pas sur mon blog tous les films que je vois, certains ne méritent pas une ligne. Par exemple Joyeuse retraite que j'ai vu la veille de Gloria mundi. Voilà, alors que s'approche justement la grande grève du 5 décembre sur les retraites, que le gouvernement nous serine sur une prétendue et fallacieuse égalité, sort un film aux relents macronistes. Tourné à Troyes dans l'Aube avec Michèle Laroque, la femme du maire de Troyes, Joyeuse retraite entend montrer un couple de bourgeois qui veulent quitter la France pour s'installer au Portugal.

Ce premier film, ni fait ni à faire, mal fichu jamais amusant, regorge des idéologies de la France de la droite sociale, comme disaient les journalistes des chaînes info, Borloo, Barouin, Raffarin et Juppé. Et bien entendu Macron. Oh non, il ne s'agit pas d'expatriés qui fuient l'impôt, mais on ne parle que pognon. Nicole Ferroni, chroniqueuse amusante de France Inter joue là-dedans, elle conspue une institutrice qui refuse de prendre ses enfants en retard. Mais GAG, si l'institutrice refuse, c'est parce qu'elle est en grève. On se marre bien.

Sylvie (Ariane Ascaride) refuse elle aussi de faire la grève que tente de lancer le délégué syndical. Sylvie fait partie de ces femmes dont parlaient Ruffin, celles qui nettoient la merde des autres avant que ces autres n'arrivent à leur boulot. Ces femmes qu'on aperçoit à peine. Elle se fait traiter de briseuse de grève, ce qu'on appelait jadis un « jaune » ( sans gilet). On pourrait l'accuser de ne pas prendre en compte les revendications de ses collègues mais Robert Guédiguian vient de passer une bonne partie de Gloria mundi à expliquer pourquoi elle ne peut pas faire grève.

Ce nouveau film du cinéaste marseillais prend l'exact contre pied de La Villa. On était dans un lieu calme et clos où les générations se retrouvaient, on est dans une ville bruyante, dévastée, sale où la vie est aussi sinistre que dans Les Misérables. Les scènes extérieures sont d'une tristesse incroyable. Le petit hôtel minable où va vivre Daniel Ortega (Gérard Meylan) à sa sortie de prison n'est guère mieux que sa cellule, mais ça lui convient. Il a passé 20 ans en prison, à Rennes, et il retourne dans sa ville pour découvrir sa petite fille.

Gloria mundi commence avec la naissance de Gloria, scène lyrique, la seule du film. Ça commence par une naissance et le récit est construit pour finir à une mort. C'est la force inéluctable. Je ne dirai pas qui meurt en fin de film, il n'y a pas de suspense, on peut le deviner. Je dirais même qu'on comprend. C'est terrible d'ailleurs, on en a envie, on a une irrépressible envie de foutre des claques à ces jeunes gens complètement intoxiqués au libéralisme, à la flexibilité, à l'auto-entreprise, ce piège délétère inventé avec cynisme par Chirac et Sarkozy et tant vanté par les éditorialistes.

Il faut observer les tenues des personnages. Prenons le premier couple, Mathilda (Anaïs Demoustier) et Nicola (Robinson Stévenin), elle est la maman de Gloria et elle travaille justement dans une boutique de fringues, l'un de ces magasins dans un immense centre commercial où tout est de la camelote. Mathilda avec sa jupe courte court après la mode. Nicolas lui porte un beau costume noir pour se lancer dans Uber. On dirait un croque-mort. Il passe, en début de film, des minutes pour s’apprêter, reprochant à sa copine d'à peine le regarder.

Mathilda est la fille de de Sylvie et Daniel, mais c'est Richard (Jean-Pierre Darroussin) qui l'a élevée comme sa fille naturelle. Avec Sylvie, il a une autre fille Aurore (Lola Naymark), on la déteste dès qu'on la voit avec ses fringues motif panthère (une panthère siège devant sa boutique de cash converter), elle est cassante avec ses « clients » qui viennent vendre pour rien leur camelote. Elle est mariée à Bruno (Grégoire Leprince-Ringuet). Le couple fait peur, son discours donné au premier degré, fait peur et tout inspire le mépris chez eux.

Bruno avec sa petite chemise chic (ou qu'il croit chic) et sa doudoune sans manche, fonce d'une endroit à un autre dans ces quartiers pauvres sur son scooter. Il trace sur les trottoirs en sens interdit. Parfait connard, il signe de la coke, trompe sa femme et exploite quelques types au noir. Certaines scènes en sa présence sont indécentes, rarement on n'a eu l'occasion de voir dans un film français un type aussi complaisant, aussi antipathique qui expose sa vision du monde de cette façon. A part peut-être dans la presse ultra libérale. C'est tout pour lui et rien pour les autres.

Les réunions familiales dans le salon de Sylvie et Richard sont une illusion. On imagine le couple anciens communistes, je dis ça parce qu'ils ont encore des canapés et fauteuils rouges, ça n'a l'air qu'un détail de décor mais je suis convaincu que Robert Guédiguian soigne à l'extrême tous ces détails de fringues comme d'accessoires. Et en 20 ans, ce temps où Daniel était absent, ils ont changé, c'est ce changement radical et terrifiant, depuis Marius et Jeannette en 1997 que le cinéaste a filmé dans Gloria mundi. Ainsi passe la gloire du monde.

Aucun commentaire: