dimanche 27 octobre 2019

Les Roseaux sauvages (André Téchiné, 1993)

Les Roseaux sauvages avait été produit pas la télévision en 1993, pour cette fameuse série d'Arte « Tous les garçons et les filles de leur âge » (quand Arte avait des idées autre que faire des formats courts) et était ensuite sorti en salle au printemps 1994. André Téchiné parlait de ses souvenirs, ce n'était pas la première fois, avec son comparse Jacques Nolot. Cette fois il parle de son adolescence, de ses 15 ans. Le film répondait à quelques contraintes pas franchement insurmontables, parler de ses 15 ans et inclure une scène de fête.

C'est d'ailleurs par un mariage que Les Roseaux sauvages commence. Une fête, on mange, on boit, on chante, on danse. Le marié invite la prof d'histoire à danser Madame Alvarez (Michèle Moretti). Il a une demande à lui faire, il sait qu'elle a de l'affection pour lui. Il a besoin d'aide, il veut déserter. Elle est au parti communiste. Elle refuse de l'aider et il partira juste après son mariage et en reviendra dans un corbillard. C'est ce mariage, cette guerre qui est dans toutes les conversations et si les adultes vont se battre, ce sont les jeunes qui en parlent.

On imagine avec facilité que François (Gaël Morel) est celui qui représente le plus André Téchiné, qui regroupe ses propres souvenirs. Probablement. Il va à l'encontre d'une guerre moins meurtrière que la guerre d'Algérie, celle de ses sentiments pour ces cothurnes. Le gars avec l'accent du sud-ouest, le sportif Serge (Stéphane Rideau) qui fait du rugby torse nu comme Henri (Frédéric Gorny) le pied-noir exilé, vivant sans ses parents partis à Marseille. Deux jeunes hommes aux tempéraments opposés, aux opinions divergents, aux histoires contrastées.

Mais François ne choisit pas ceux pour qui il a de l'affection. Il ne comprend pas ce qui lui arrive. Alors il ne cesse jamais d'en parler. Les Roseaux sauvages est l'un des films les plus bavards d'André Téchiné. François passe son temps à se poser des questions sur cette passion. Pourtant elle est simple, d'un côté le corps, la plupart à moitié nu de Stéphane Rideau devenu idole gay après ce film, de l'autre l'intello cynique et sinistre. Le regard clair et lumineux de Serge et les yeux baissés et sombres d'Henri. Il faut qu'il exprime son penchant pour ces deux garçons.

Celle qui écoute est Maïté (Elodie Bouchez), la fille de Madame Alvarez. Elle sert dans le film de personnage de passeur, celle qui va d'un garçon à un autre pour écouter ce qu'il a à dire. François avec son sentimentalisme, Serge avec ses peurs de rester au pays, Henri avec sa haine de l'autre. On trouve dans ces trois personnages toutes les contradictions de la jeunesse. Ils sont plein d'espoir mais ne savent pas comment accéder au bonheur, ils se sentent coincés, cela est symbolisé par l'internat dans lequel ils vivent, dans ce lycée de province.

Ce qui va les sauver, c'est se mettre à nu, littéralement cela passe par quelques scènes de sensualité (Serge et François se font plaisir mutuellement) et surtout par la baignade finale où l'eau les apaise, les rapproche, les réveille. Je crois vraiment que c'est dans ces moments que le film est réellement authentique plus que dans les rencontres politiques (Henri veut brûler le siège du PCF, il écoute les événements par la radio). Quand le cinéaste filme à travers les feuillages, dans un clair obscur campagnard ses quatre acteurs avec d'élégants mouvements d'appareil


Le film est un peu laborieux dans son premier tiers (le jeu des acteurs est passable, faut être honnête, le film a quand même pris un sacré coup de vieux et le jeu hésitant de Stéphane Rideau et l'horripilante prestation de Gaël Morel n'aident pas) puis devient plus serein par la suite. Le scénario est très foisonnant, terriblement romanesque, André Téchiné s'attache à chacun avec comme idée de mise en scène de varier les duos pour justement finir dans la rivière à l'approche de l'été où tout finit et tout commence.




























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