dimanche 20 octobre 2019

Dracula (Francis Ford Coppola, 1992)

Il aura fallu une bonne décennie pour que le cinéma revienne au mythe de Dracula. Entre Les Prédateurs de Tony Scott et le Dracula de Francis Ford Coppola, presque aucun film marquant. Alors que pendant 50 ans du Nosferatu de Murnau à celui de Werner Herzog, il en est apparu au cinéma des vampires, Bela Lugosi, les films Hammer avec Christopher Lee et Peter Cushing, le vampire allemand de Dreyer, les mexicains qui partent vers l'érotisme et Les Charlots contre Dracula dont j'avais parlé ici en janvier, pour faire un aperçu absolument pas exhaustif.

C'est que parler de vampire et de sang dans les années 1980 et Dracula accuse ce motif, c'est aussi parler de contamination, de maladie, d'épidémie. La Sida n'est évidemment jamais nommé dans le film puisqu'il se déroule en 1897 à Londres pour l'essentiel mais il reste présent métaphoriquement tout au long du film et dans les dialogues entre les personnages, il en porte des traces profondes. Ces dialogues d'une absence de finesse « the blood is the life » déclare le comte Dracula (Gary Oldman) tout comme l'homme qui annonce son arrivée, Renfield (Tom Waits).

Ce qui m'a frappé en revoyant Dracula après tant d'années, c'est d'abord le jeu sans aucune subtilité de tous les interprètes, aucun ne fait dans la sobriété. Tom Waits filmé en plongée dans sa prison est le tout premier à cabotiner dans sa cellule d'un hôpital psychiatrique dirigé par un médecin héroïnomane (Richard E. Grant) qui s'enfile de la dogue par seringue (là encore on parle de transmission de la maladie), avant de traverser son asile de fous les yeux exorbités pour tenter de comprendre ce qu'insinue ce Renfield qui bouffe, en gros plan, des vers de terre.

Le film commence par des enluminures, par des ombres chinoises sur la « naissance » de Dracula, chasseur des Ottomans en Transylvanie, détruit par le suicide de son épouse adorée (Winona Ryder) et défiant son chef évêque (Anthony Hopkins). Francis Ford Coppola s'amuse à filmer comme un muet ces scènes inaugurales avec un excès dramatique mais en ajoutant un flot de sang qui sort d'un immense crucifix et envahit tout l'écran jusqu'à atteindre le corps de Winona Ryder avec la musique pompière et grandiloquente de Wojciek Pilar, une musique idéale pour les images du cinéaste.

On retrouve les trois acteurs quatre siècles plus tard dans une idée de réincarnation. L'épouse du comte Dracula est devenue une mijaurée britannique, Mina est fiancée à Jonathan Harker (Keanu Reeves) et elle est pour l'instant pure, ce qui veut dire que son sang n'a pas été contaminé. Contrairement à sa meilleure amie Lucy (Sadie Frost), cheveux roux et robe rouge qui appellent au feu de la passion et au sexe débridé. Lucy a d'ailleurs trois prétendants, elle est une libertine et elle sera la première à être contaminée par la maladie du vampire.

Le film part quelques minutes dans le château original de Dracula dans une confrontation entre Dracula et Jonathan. Les ombres du vampire se glissent contre les murs toujours en avance sur le comte dans des effets spéciaux en hommage à l'expressionnisme allemand. Il se dégage de ces scènes entre le comte Dracula et l’émissaire une érotisme léger mais durable (Dracula rase la barbe du jeune britannique) qui trouble Jonathan. Le choix de Keanu Reeves est parfait puisqu'il semble sans cesse hébété, le regard vide de l'homme blessé.

Au moins Keaunu Reeves ne croule pas sous les maquillages, parce que le Dracula de Gary Oldman est fardé, du haut de ses quatre siècles, dans un composition blanche et une perruque abondante le tout enveloppé dans des tenues inspirées par les peintures de Klimt. Là non plus Coppola n'a pas fait dans le dentelle, tout est immense et exagéré, les effets sont démultipliés. Mais quand il débarque en Angleterre après un long voyage en bateau, Gary Oldman reprend son vrai visage mais paraît encore plus grimé avec ses longs cheveux et ses lunettes teintées.


C'est le début de tous les cabotinages successifs. Personne ne semble vouloir être mesuré et c'est un concours éhonté. Anthony Hopkins devenu en quatre siècles Van Helsing est le plus fort mais Keanu Reeves se met aussi à gueuler très fort. Le film se vautre régulièrement dans le grand guignol de l'épouvante, dans des gentils effets gore où le sang gicle, où les sentiments sont démultipliés. Le film aujourd'hui semble tellement d'un autre âge, franchement ringard par moment mais au moins on ne s'ennuie pas, c'est le moins qu'on puisse dire.
























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