lundi 8 avril 2019

Ninotchka (Ernst Lubitsch, 1939)

Garbo rit, dit le slogan incrusté sur l'affiche de Ninotchka depuis maintenant 80 ans. Parait-il qu'elle n'avait jamais ri dans aucun film avant Ernst Lubistch. Et c'est vrai qu'elle rit mais pas à n'importe quel prix, il lui faut du lourd, du grotesque comme celui que le cinéaste tournait quand il était en Allemagne. Greta Garbo et consécutivement Ninotchka rit quand le Comte Léon d'Algout (Melvyn Douglas) se casse la margoulette . Cette chute digne du pire cinéma burlesque, du splastick muet, a le don de dessiller enfin l'agent soviétique.

Car le dandy parisien n'avait cessé depuis un bon moment de raconter des histoires drôles à Ninotchka mais aucune d'elles n'avait eu l'heur de la divertir. Le tout se produit dans un restaurant populaire de Paris, où se déroule toute la première partie du film, le Comte avait suivi Ninotchka en affirmant qu'il « adore les restaurants populaires » lui qui est habitué au luxe. Ninotchka aurait pu rire depuis un bon moment de ce sympathique mensonge destiné à tenter de séduire la jeune Russe. Elle préfère rire de lui qu'avec lui.

Mais jusqu'à présent elle était incapable de déceler tout le comique de la situation qu'elle vit. Cette situation consiste à vivre dans un hôtel de luxe alors qu'elle représente Staline et l'URSS. En tant que telle, elle tire la tronche pendant tout le film. Elle hait les frivolités, elle ne supporte pas la légèreté, elle méprise le second degré. C'est vrai que seule Greta Garbo pouvait jouer une femme aussi sinistre, elle avait habitué ses spectateurs à des rôles plus grand que le destin entre la Reine Christine et Marguerite Gautier.

Cette situation comique, elle la doit à son trio d'émissaires soviétiques venus vendre les bijoux de la Grand-duchesse russe (Ina Claire) pour renflouer les caisses de l'URSS. Iranoff, Buljanoff et Kopalski (Sig Ruman, Felix Bressard et Alexander Granach) rivalisent de bons mots et de raisonnements qui tournent toujours en la faveur. Ils se donnent les uns les autres la parole dans un trio qui n'est pas sans rappeler les Pieds Nickelés, plus que les Marx Brothers (cela aurait été amusant dans un film anti-soviétique d'avoir les Marx).

Les trois émissaires s'installent chez l'ennemi et ont peur de la Sibérie mais surtout de leur chez resté à Moscou, le commissaire Razinin (Bela Lugosi, c'est la seule fois que je l'ai vu jouer autre chose qu'un vampire). L'une des scènes les plus cruelles pour l'URSS est celle où le trio attend Ninotchka à la gare. Ils croient qu'un homme va venir (ils ne connaissent que son nom de famille). Un homme descend, il ressemble à un agent soviétique mais il va retrouver son épouse et fait le salut nazi. Tout est dit.


Reste que assez vite, trop vite à mon goût, le trio comique quitte le devant de la scène, s'efface du récit alors qu'il l'occupe toute la première partie pour laisser la place à la romance mièvre entre Ninotchka et le Comte. Certes, elle réserve quelques bons moments (la montée à la Tour Eiffel, l'achat du chapeau ridicule, la découverte du champagne) mais elle s'éternise, elle ne se renouvelle pas. Il faudra le retour à Moscou pour revenir au pamphlet politique et surtout l'affrontement avec la duchesse, peut-être plus terrible que celui avec Razinin.
























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