lundi 29 avril 2019

Au bonheur des dames (Julien Duvivier, 1930)

La gageure de Julien Duvivier est de montrer le changement d'époque dans ce Paris inspiré d'Emile Zola mais qui prend des atours contemporains, les années 1920. Dita Parlo incarne ainsi cette jeune Denise Baudu qui débarque de sa province (la campagne ou la petite ville, le film ne le précise) pour arriver à Paris. Sa bonne bouille, son visage rond et ses yeux toujours étonnés sont parfaits, la jeune femme observe ce mouvement perpétuel de la vie urbaine, les voitures, les tramways, les passants, personne ne s'arrête jamais sauf elle avec ses valises sous les bras, encombrée comme personne, ne sachant pas vraiment quoi faire.

Sa fascination pour la vie moderne passe par les grands magasins. L'enseigne d'Au bonheur des dames lui en met plein la vue. Mais avant de rentrer dans l'antre de la consommation, Julie Duvivier, comme toujours, explore la limite qu'elle devra franchir, la frontière à traverser, la rue qui sépare le grand magasin où ça grouille de la boutique de tissus de son oncle où presque plus aucun client ne vient acheter quoi que ce soit. Une seule rue sépare ces deux mondes. Certes Julien Duvivier en fait beaucoup, appuie sur les différences avec emphase, manière de donner un message clair sur les grands qui écrasent les petits.

La première réflexion de Denise est de suggérer qu'elle se fasse embaucher par le grand magasin. L'oncle n'est pas ravi, mais elle traverse la rue. La découverte de l'intérieur du magasin est exceptionnelle, une plongée dans une ruche, une traversée en caméra subjective dans un plan séquence, très impressionnante. Cela a été filmé en décor naturel, aux Galeries Lafayette. Cela augmente d'autant le réalisme du film qui consiste à montrer les rapports entre employés, contremaîtres et employeurs. Car Denise est d'abord embauchée pour devenir une éventuelle mannequin, on découvre d'ailleurs comment les modèles présentent les vêtements.

Denise est fort mal accueillie, c'est le moins qu'on puisse dire par l'un des contremaîtres, un moustachu, un type plutôt costaud à l’œil mauvais qui fait tout pour la brimer, il décide même de la virer. L'homme a créé une alliance avec une autre mannequin, ils se font des clins d’œil pour humilier Denise, pour la rabaisser, pour la faire craquer. Seulement voilà, Mouret (Pierre de Guingand) le patron tombe sous le charme de la jeune femme. Il ne lui révèle pas tout de suite son statut, elle croit qu'il est un client. Le film montre la violence des rapports sociaux, chacun lutte contre l'autre dans une guerre larvée et sournoise.


Mouret cherche à agrandir son magasin et pour ça il doit virer l'oncle de Denise. Il se fait aider par un mécène, un certain Hartmann (Adolphe Candé), nom qui déguise mal Haussman qui a tant modifié Paris. Le film est muet mais ce qui est mis en avant est le son terrible des travaux autour de la boutique des Baudu avec ses murs, briques et charpentes qui s'effondrent. Au spectateur d'imaginer ce vacarme tandis que l'oncle Baudu souffre le martyr de voir sa vie détruite si vite. Quelque chose de quasi expérimental est façonné par le cinéaste suivi ensuite par la confusion mentale quand le monde de Denise s'effondre.


























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