mardi 2 avril 2019

La Petite amie d'Emile (Nadav Lapid, 2006)

En regardant Synonymes, je me suis dit ça c'est du cinéma. Mais je me sens un peu seul. Dans le cinéma où je travaille, les spectateurs sortent de la salle au bout d'un peu plus d'une heure. Hier soir, un monsieur m'a dit qu'il trouvait stupide que le film ne critique pas Israël suffisamment clairement (le film aurait dû ressembler à un article du Monde diplomatique). C'est aussi cela ne pas mâcher le travail du spectateur, ne pas forcément donner un récit linéaire, ne pas faire des rebondissements narratifs toutes les demies-heures et ne pas convaincre que les convaincus.

J'imagine que le film a été vendu et critiqué comme un pamphlet politique (la bonne blague) ajouté à ça la toxicité des séries télé qui rend peu ouverts aux choses inhabituelles. Regarder avant ou après Synonymes ce court-métrage, La Petite amie d'Emile (pas si court que ça quand même, il fait 48 minutes) disponible sur le DVD de L'Institutrice, permet de retourner aux sources du cinéma de Nadav Lapid et de voir à quel point il cherche à créer une cohérence entre ses films, comme je l'écrivais samedi.

Ce qui frappe dans les premières minutes de La Petite amie d'Emile ce n'est pas la nudité intégrale de son personnage ce premier Yoav du cinéma de Nadav Lapid, incarné par Iptav Klein, c'est l'influence du cinéma de Jean-Luc Godard, à la fois à gros traits et tour énamouré. Disons que Yoav a beaucoup regardé Jean-Paul Belmondo dans A bout de souffle et Charlotte et son jules et il l'imite dans le plus simple appareil dans un seul but : draguer Delphine (Caroline Frank) la petite amie de son pote français qu'il a connu à Paris quelques années auparavant.

La nudité des deux Yoav, celle de Synonymes, celle de La Petite amie d'Emile, la liste des synonymes, écrite dans ce court-métrage et l'obsession pour la France, cet Emile à qui à la fois Delphine et Yoav téléphonent, écoutant le répondeur sans laisser de message (Emile, Emile, Emile, Emile, Emile, entend-on de la voix du parisien. Ce que l'on apprend est qu'il est en dépression, disparu, comme Quentin Dolmaire le fera dans Synonymes, accentuant les liens entre ces deux films situés entre Paris et Tel Aviv.


Delphine et Yoav se promènent dans la ville (les trottoirs et le bitume sont filmés de la même manière). Un café (où Yoav sort la réflexion de Belmondo sur son physique banal tout en montrant qu'il la désire). Mais c'est la visite du Musée de la diaspora qui enfonce le clou du film et surtout les bobards de Yoav ce type si antipathique (elle ne rêve que d'écrire sur la Shoah pas sur la diaspora) et enfin, Nadav Lapid montre en une scène la folie paranoïaque et le délire raciste de son pays. Il n'en faut parfois pas plus quand on a la force du cinéma avec soi.














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