mercredi 19 septembre 2018

Les 10 commandements (Cecil B. DeMille, 1956) 1/2

Il faut 8 bonnes minutes avant de voir la moindre image des Dix commandements. Cecil B. DeMille vient en personne, traversant un rideau de théâtre (ou de salle de cinéma comme il y en avait en 1956), pour expliquer une chose simple. Son film dure 3h39 minutes, c'est-à-dire qu'il est tout de même plus court et plus distrayant que la lecture du deuxième livre du Pentateuque, L'Exode. Cecil B. DeMille l'explique dans son préambule, comme dans la bande annonce d'époque d'une durée de 10 minutes, que tout ce qui concerne la vie de Moïse entre sa naissance, son adoption par la sœur du Pharaon et l'âge adulte où il se rend compte que son Peuple (je mets volontairement une majuscule), n'existe pas dans la Bible.

Aucune ligne ne concerne ces quelques années (combien d'ailleurs dans l'Exode ? 30 au minimum). La première partie des 10 commandements est ainsi consacrée à cette histoire inventée de toutes pièces pendant deux heures. Le nourrisson est menacé par Ramsès I de mort. Dans l'Egypte, il y a 3000 ans comme le souligne la voix solennelle du cinéaste, une prophétie annonce l'arrivée d'un sauveur. Le peuple hébreu vit depuis quatre siècles dans l'esclavage, à Gosen, à construire les tombeaux des pharaons, de la brique de paille foulée aux pieds jusqu'à l'édification des obélisques. Ramsès décide de tuer tous les premiers nés, une habitude dans les récits bibliques. La mère de Moïse le met dans un couffin et le fait glisser dans les eaux du Nil.

La sœur du souverain le recueille et l'adopte en secret. Bithiah (Nina Foch) choisit d'appeler ce nourrisson Moïse (la mère naturelle de l'enfant ne lui a pas donné de nom) « car il vient de l'eau » (texte biblique repris dans les dialogues). Elle fait jurer à sa servante Memnet (Judith Anderson), la seule témoin, de ne jamais révéler le secret. Ce qu'elle fera 30 ans plus tard. Au bout d'un moment, Charlton Heston apparaît enfin pour incarner Moïse. Pour l'instant, il revêt l'habit traditionnel d'un général de l'armée du Pharaon. Ramsès est mort, Sethi (Cedric Hardwicke) est désormais le souverain.

Moïse est le fils préféré de Sethi. C'est son fils adoptif, ce qui rend jaloux Ramsès (Yul Bruner). Voici l'arc principal de cette première partie des 10 commandements, cette lutte du pouvoir entre le fils légitime, le futur Ramsès II, et le fils choisi, celui qui accomplit des miracles sur les champs de bataille. Lors de sa première apparition, Moïse revient triomphant pour avoir conquis l'Ethiopie. Dèjà, Moïse est choisi par un Dieu vivant, ce Pharaon, avant qu'il ne le soit par un Dieu éternel. Ramsès lui est bâtisseur, en tout cas, son père demande à ce qu'il construise sa cité funéraire, grandiose forcément grandiose.

Magie des effets visuels pour montrer ce tombeau où le nom de Moïse sera gravé à côté de celui du Pharaon. Le but de Cecil B. DeMille est d'en mettre plein la vue aux spectateurs avec des décors monumentaux, qui sont certes incrustés par transparence derrière les acteurs, mais c'est le nombre figurants qui impressionne. Les décors ne seraient pas aussi grandioses sans les centaines de figurants, ces esclaves qui poussent les sculptures gigantesques, qui hérissent un obélisque entre deux sphinx. Mais comme le dit un hébreu, tous ces Dieux de pierre ne valent rien en comparaison de leur Dieu éternel dont on ne connaît pas le nom.

Cette réussite architecturale, qui ravît Sethi au point de désigner Moïse comme son successeur, ravive la jalousie de Ramsès qui s'est vu retirer son rôle et sa place. Yul Brunner n'a pas la même apparence physique que son frère adoptif. Certes tous les deux ont la natte, mais Ramsès a la tête nue tandis que Moïse a conservé ses cheveux. Dans la même genre de motif, Ramsès revêt un pagne, certes royal, mais demeure torse nu quand Moïse porte une tunique ornée de décorations, de colliers, de bijoux. Cela montre son pouvoir et la place primordiale dans le pouvoir qu'il exerce et cela sera opposé à son dénuement dans la deuxième partie.

La jalousie de Ramsès s'exerce également en amour. Nefretiri (Anne Baxter) doit épouser le futur souverain, mais lequel, Elle a sa préférence, c'est Moïse. D'ailleurs Moïse aime en retour Nefretiri. Le jeu outré et emphatique d'Anne Baxter, plein de gestes paroxystiques et de regards pénétrés est l'une des plus grandes énigmes du film. Certes, jamais le scénario ne fait dans la dentelle, n'hésite à aller dans le grandiloquent, dans une direction d'acteurs théâtrale, mais c'est Anne Baxter qui emporte la palme. Quant à Ramsès, il clame à chaque dialogue qu'elle sera son épouse et que le fils qu'elle portera sera son fils. « Que cela soit écrit, que cela soit accompli », comme le scande le Pharaon.

En écho à ces déchirements amoureux, le film développe une deuxième histoire d'amour entre le vaillant Joshuah (John Derek) et et la ravissante Lilia (Debra Paget), deux esclaves. Cette dernière attise la convoitise de Baka (Vincent Price, toute en sournoise suavité), l'architecte des palais tout autant que celle de Dathan (Edward G. Robinson), renégat hébreu à la solde des Egyptiens. Dathan est le corrompu par essence, celui qui construit son bonheur sur le malheur de son peuple asservi. Dathan est le personnage qui cherche toujours à démontrer que Moïse n'est pas le prophète libérateur attendu et encourage les hébreux à se soumettre davantage.

Passée cette double romanesque extravagance amoureuse de l'extrême digne d'un soap opéra (j'imagine aisément qu'une histoire d'amour aussi basique était nécessaire pour attirer le spectateur hors de chez lui) la première partie des 10 commandements retrouve les éléments de la Bible, soit la compréhension par Moïse qu'il est hébreu, le rejet de son rôle d'héritier et son arrivée à Gosen, le camp des esclaves hébreux où il abandonne sa tunique, vit sous le fouet dans les puits de boue qui servent à fabriquer des briques. Ainsi, il aura vécu le haut comme le bas, mais plus il vit dans le dénuement plus son destin semble l'appeler.

Contrairement au texte de l'Exode – il faut bien dramatiser histoire de ne pas s'ennuyer, et moi j'adore ce film – Ramsès II exile Moïse et lui offre comme sceptre un bâton pour régner sur les scorpions du désert. Il finira par rencontrer son épouse Sephora (Yvonne de Carlo) et sa destinée, aller causer avec Dieu sur le montagne de feu du mont Sinaï. C'est l'histoire du Buisson ardent, cette métaphore divine à grand renfort d'effet spécial, comme sa coiffure qui semble elle aussi s'enflammer affirmant son alliance avec l'Eternel ou Dieu comme on l'appelle. Les effets spéciaux grandioses, ce sera le point fort de la deuxième partie des 10 commandements




































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