Ici
et ailleurs devait être l'opera maxima du Groupe Dziga
Vertov. Après l'Angleterre (British sounds), la
Tchécoslovaquie (Pravda), l'Italie (Lotte in Italia)
et les films en France (Vladimir et Rosa, Le Vent d'est,
Un film comme les autres) Jean-Luc Godard et ses comparses
(Jean-Pierre Gorin, Jean-Henri Roger) sont allés s'installer
quelques jours en Palestine pour filmer des combattants de la lutte
pour l'indépendance. La Palestine, c'était la Révolution des
Révolutions pour eux, la lutte ultime contre l'impérialisme
américain, le film militant par excellence.
Assez
vite Godard et Gorin se rendent compte que la dialectique qu'ils
pratiquaient jusqu'à présent dans leurs films cités plus haut, et
souvent avec beaucoup d'humour malgré le ton sentencieux, ne
fonctionne pas. Les Palestiniens n'ont pas le même objectif que le
Groupe Dziga Vertov. Les Palestiniens veulent que les cinéastes
filment leur message de propagande et rien de plus. Ainsi, dans les
images filmées en 1970 s'installe un dialogue de sourds et une
incompréhension se fait sentir entre les deux parties.
Le
groupe militant dissous, l'accident de moto de Godard et sa venue à
Grenoble changent le cours du tournage. Quatre ans plus tard, il
reprend avec son épouse Anne-Marie Miéville le projet et analyse
son rapport entre les images d'ailleurs (la Palestine) et d'ici (une
famille qui passe son temps devant la télé). Ce rapport est le
commentaire en voix off décliné pendant tout le film. Le constat
est d'une grande mélancolie, le cinéaste revient sur ses rêves
communistes, de la Révolution Culturelle, la « révocul »
comme disait Serge Daney dans un jeu de mots cocasse.
Entre
l'ici et l'ailleurs, le et de liaison est au centre du film.
Ce et, ce sont des collages d'images, méthode de mise en
scène que Godard avait déjà souvent utilisés. A côté des images
en 16mm rapportés du Moyen Orient, il expérimente la vidéo, les
ban-titres et les incrustations. Ainsi son analyse se résume à des
raccourcis édifiants et fulgurants (comme quand il scinde l'image en
deux avec Hitler et Golda Meir, première ministre d'Israël à
l'époque). Dans la chaîne des événements, sur lesquels ils ont
perdu tout pouvoir, les cinéastes doivent faire le travail de tri
entre les images et les sons. Vaste travail !
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