mardi 10 novembre 2020

La Raison du plus fou (François Reichenbach, 1973)

Raymond Devos et le cinéma, ça fait deux. Poète sur un ponton dans Pierrot le fou, le temps d'un long monologue de son œuvre. Rôle taillé sur mesure dans La Raison du plus fou, l'humoriste apparaît dans le costume qu'on lui connaît, chemise blanche, bretelles, costume noir, cravate et ses lunettes carrées qui lui mangent le visage. Raymond Devos a écrit le film de François Reichenbach et le mène tambour battant au gré des rencontres.

Road movie entre Paris et la mer, Nice, dans un Cadillac dérobée en pleine nuit par Raymond Devos, gardien de la maison de repos, comprendre un asile de fous. La voiture appartient à la directrice, c'est Alice Sapritch qui passe tout le film à fumer ces fameuses cigarettes avec son porte-cigarette. Cheveux courts, pantalon rouge, elle est accompagnée de son mari soumis auquel Jean Carmet apporte son habituel visage de victime consentante.

Raymond Devos sauve un jeune couple de la maison de repos. Un gars tout en cuir et sa fiancée anglaise qui, telle le Petit Poucet, sème des fleurs sur le parcours. L'attelage est facile à suivre par la directrice et son époux. Ils ont eux aussi dérobé un véhicule, un 38 tonnes Antar (une marque de pétrole) que Paul Préboist. Ce dernier va passer tout le film à tenter de contacter au téléphone son patron pour lui dire que son camion a été volé.

C'est parti pour traverser la France. Enfin, il faut le dire vite. François Reichenbach documentariste pragmatique (c'est-à-dire qu'il observe les pays qu'il visite en touriste) ne cherche jamais à créer dans les lieux où se rend tout ce monde des observations cocasses ou pittoresques. La France de 1973 existe à peine. C'est étonnant qu'il n'ait pas employé cette matière féconde tout ça pour procéder à la fabrication d'une fable.

Les acteurs et actrices que rencontre Raymond Devos ne servent qu'à lui donner la réplique dans ces dialogues poétiques où les calembours, les jeux de mots et les détournements d'expression ont fait la renommée de Raymond Devos, et aussi sa limite. L'absurde ressort systématique de ces échanges verbaux. Ça marche la plupart du temps, certaines formules sont jolies à attendre, on navigue entre le Luis Buñuel et le Bertrand Blier de l'époque, les deux modèles du film.

Julien Guiomar en restaurateur mécontent, Marthe Keller en auto-stoppeuse enjouée, Roger Hanin en hôtelier chapardeur (ce qui vaut une belle scène de funambulisme par Raymond Devos), Sophie Desmarets en péripatéticienne qui donne l'itinéraire avec le nom de ses collègues à la place des noms des rues, Pierre Tornade et Pierre Richard en policier en moto et Robert Dalban en commissaire de police et pour finir Yves Robert en contrôleur SNCF.

Comme on le voit, il a souvent des confrontations avec les forces de l'ordre, ennemis de la folie douce qu'il prône et qu'il se coltine pendant le film. Certains gags reviennent régulièrement, Raymond Devos plonge dans l'eau et se fait interviewé par un journaliste qui se trouve là à chaque étape. Le film est très gentil, volontairement naïf, très bavard, pour résumer c'est pour les fans absolus de Raymond Devos s'il en existe encore.



























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