samedi 11 avril 2020

House (Nobuhiko Ôbayashi, 1977)

Sur la page Facebook de la Cinémathèque Française, j'ai appris la mort du cinéaste japonais Nobuhiko Ôbayashi ce 10 avril 2020. Il a tourné depuis 50 ans une bonne cinquantaine de films mais je n'ai vu que House sorti en 1977. J'avais vu le film il y a quelques années quand il était sorti chez Criterion, jamais édité en France. C'est un film comme rarement j'en ai vu, une comédie d'horreur avec que des actrices, le tout filmé en faux décors pour accentuer encore plus la rêverie, dans un format à l'ancienne 1:37. Le film commence comme un teen-movie un peu nunuche avec ces lycéennes en uniforme.

Gorgeous (Kimiko Ikegami) et ses six amies sont lycéennes forment une joyeuse bande. Avec Fantasy (Kumiko Oba), elles discutent de leurs vacances qui arrivent sous peu. Gorgeous doit partir avec son père (Saho Sasazawa), musicien qui affirme que Sergio Leone le trouve meilleur que Morricone. Il lui présente sa nouvelle fiancée Ryoko (Haruko Wanibuchi), elle arrive entourée d'un souffle qui fait virevolter son écharpe. Bien que veuf depuis huit ans, il n’avait jamais eu de nouvelle petite amie. Gorgeous prend mal la nouvelle et décide d’écrire à sa tante (Yōko Minamida) qui habite une maison en pleine campagne pour lui annoncer sa venue avec ses amies.

La petite troupe prend le train pour la demeure située au fin fonds de la campagne. Kung-fu (Miki Jinbo) est une fille énergique qui pratique le sport. Mac (Mieko Sato) ne pense qu’à manger. Prof (Ai Matsubara) est une intello, d’ailleurs elle porte des lunettes. Melody (Eriko Tanaka) joue du piano comme personne. Sweet (Masayo Miyako) adore faire le ménage. Fantasy aime draguer les garçons et notamment monsieur Togo (Kiyohiko Ozaki), l’un de leur prof. La troupe est joyeuse, les filles parlent de tout et de rien. Elles sourient tout le temps, toute pleine de niaiserie qu'elles sont.

La tante accueille ces demoiselles avec un grand sourire. Assise sur un fauteuil roulant, les cheveux blancs et des lunettes noires, elle porte un gros chat blanc qui était apparu à Gorgeous. Les premiers mots que prononce la tante est « Vous êtes toutes les sept à croquer ». Les filles rentrent dans la maison, la tante leur fait visiter son antre de solitude. L’ambiance est vite joyeuse, chacune s’occupe des tâches qui leur correspondent le mieux. Il s’agit de faire à manger, tout d’abord, et Mac va faire rafraîchir la pastèque achetée en route. Elle la suspend dans le vieux puits, mais quand Mac va la chercher, elle se fait happer par le puits.

La série des disparitions ne fait que commencer. Toutes les filles commencent à avoir peur. La maison vit et mange les demoiselles. Cela ne serait qu’un slasher comme les autres si le film n’était pas aussi barré s'épanouissant dans un surréalisme qui frôle sans cesse le kitsch sans jamais s'y engouffrer. Dès le début, il était facile de se rendre compte que l’ambition du cinéaste est de proposer des images tantôt hypnotiques tantôt hallucinatoires. Jeux de miroirs et reflets, effets ralentis, surimpressions et fondus, déformations anamorphiques, couleurs criardes puis pastel, effets spéciaux bricolés proches de l'animation.

La musique joue un grand rôle. Elle est omniprésente et variée, elle s'accorde à chaque ton de scène. Du piano sirupeux, du free jazz qui appuie sur les distorsions, de la pop entre le disco et du Frank Zappa, du rock emporté par une lourde ligne de guitare basse. Le piano au centre de la maison déchiquettera Melody dans un défilé de couleurs, ses bras disparaissent puis seuls ses doigts jouent la mélodie du film. Les effets sonores transforment le séjour en cauchemar : réverbérations des voix, vent, horloge, miaulements du chat blanc, voix susurrées telle celle de la poupée qui supprime Sweet.


Ce qui frappe le plus est que le rythme ne faiblit jamais. Il faut supprimer les filles et expliquer aussi les raisons de ces morts. Sept filles, soit sept manières de les faire mourir. Chacune sera avalée par la maison démoniaque suivant ce qui la caractérise le plus. Mais ce qui est encore plus fort est l'humour distillé dans toutes ces morts, on rit de bon cœur devant l'imagination débordante du cinéaste, d'autant plus que le film est relativement court (1h27). Mais ce qu'il faut surtout retenir de ce petit chef d’œuvre du cinéma japonais totalement à contre courant du film d'horreur américain ou italien, c'est que le chat est un animal terriblement diabolique.
































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