lundi 20 août 2018

Under the silver lake (David Robert Mitchell, 2018)


Sur la vitrine du café, il est écrit en grosses lettres peintes « Beware the dog killer » (prenez garde au tueur de chien). C'est que cet avertissement lu à l'envers dès le premier de Under the silver lake annonce toute une galerie d'animaux qui vont défiler dans le cadre. Certains clients du café où Sam (Andrew Garfield) a ses habitudes portent des chemises aux motifs animaliers, si Sam ne portent que des t-shirts unis, il a lui-même une Mustang avec cette calandre si reconnaissable sur la voiture.

En rentrant chez lui, Sam est surpris par un écureuil qui chute de sa branche et s'écrabouille sur le bitume. Le rongeur regarde Sam comme s'il semblait lui donner un message, le mettre en garde. Et ce perroquet qui prononce un mot chez la voisine d'en face, que peut-il bien dire ? Sam tente de déchiffrer son langage sans succès tandis qu'il observe une autre voisine qui vient prendre un bain de soleil avec son chien prénommé Coca-Cola. Cette jeune et blonde voisine s'appelle Sarah (Riley Keough) et Sam aimerait avec un rencart avec elle.

C'est avec elle que le mystère du récit débute. Sarah raccourcit drastiquement le rendez-vous quand une sorte de pirate débarque chez elle et le lendemain, elle n'est plus là. L'appartement est vide. Tel Elliott Gould dans Le Privé, notre nonchalant personnage va commencer une longue et erratique enquête pour retrouver Sarah. Toute la première séquence dans ces appartements est un hommage au film de Robert Altman avec cette voisine qui se promène seins nus, cette promiscuité de voisinage où Sam fait le voyeur.

Le quartier de Los Angeles dans lequel il vit n'est pas le plus luxueux, ça sent le putois, d'ailleurs Sam se fera aspergé par la pisse pestilentielle d'un putois un soir. Le jeune homme vit de rien, il n'a pas d'argent pour payer son loyer. Le propriétaire le menace d'expulsion s'il ne règle pas son loyer dans les cinq jours, ce sera la durée de l'action, cinq jours où les bizarreries se succèdent dans un récit extrêmement linéaire parfois interrompu par un cauchemar (le chien est dévoré) ou un séquence d'animation (la lecture d'un fanzine).

Los Angeles, l'empire du cinéma, mais le cinéaste filme la ville dans ce format scope sans faire le touriste. Mais dans une approche cinéphile et maniériste, telle cette filature en voiture qui évoque Psychose (on distingue aussi l'affiche du film dans la chambre de Sam, on découvre une pierre tombale au nom d'Hitchcock). Le cinéma est présent partout, extraits de films (Janet Gaynor dans un Frank Borzage), affiches de film, actrices qui courent le casting (le plan cul de Sam), actrices reconverties en modèle pour pub.

Cette pub affirme une chose « you can see clearly now » (tu vois mieux maintenant) mais plus le film avance, plus les choses se compliquent autant pour le spectateur que pour notre jeune héros. Dans son enquête, Sam tente de récolter des signes qui apparaissent vite comme des éléments disparates (chiffres, cartes, symboles). Ces signes multiples forme un jeu de piste aussi flamboyant (on s'amuse quand même beaucoup) que poussif (parfois on se demande où le cinéaste veut nous emmener). Il faut patienter pour avoir le fin mot de l'histoire.

Deux ouvrages mettent en avant ces signes, le premier est le bréviaire des hobos, des clochards qui circulent de ville en ville. L'autre ouvrage est cette bédé fanzine d'un homme jaloux du succès du chien RinTinTin et qui est terrifié par une femme chouette (owl's kiss), encore une fois des animaux. Au milieu du cadre, on découvre toujours quelque chose (objet, bout de visage, corps), tout cela doit faire sens, l'air hébété d'Andrew Garfield (un acteur à l'effet Koulechov) n'aide pas forcément à tout comprendre.

Un dernier mot sur la musique omniprésente, lancinante, souvent fascinante. Un groupe nommé Jesus and the brides of Dracula, une jeune femme qui danse entourée de ballons et un compositeur qui affirme avoir écrit lui-même tous les tubes de ses quarante dernières années. Voilà quelques uns des éléments musicaux qui tordent la réalité de ce Los Angeles tourné vers son passé hollywoodien glorieux et peuplé de personnages étranges et flottants. C'est quand même vachement jouissif d'être surpris comme ça.

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