Sur
la vitrine du café, il est écrit en grosses lettres peintes
« Beware the dog killer » (prenez garde au tueur de
chien). C'est que cet avertissement lu à l'envers dès le premier de
Under the silver lake annonce toute une galerie d'animaux qui
vont défiler dans le cadre. Certains clients du café où Sam
(Andrew Garfield) a ses habitudes portent des chemises aux motifs
animaliers, si Sam ne portent que des t-shirts unis, il a lui-même
une Mustang avec cette calandre si reconnaissable sur la voiture.
En
rentrant chez lui, Sam est surpris par un écureuil qui chute de sa
branche et s'écrabouille sur le bitume. Le rongeur regarde Sam comme
s'il semblait lui donner un message, le mettre en garde. Et ce
perroquet qui prononce un mot chez la voisine d'en face, que peut-il
bien dire ? Sam tente de déchiffrer son langage sans succès
tandis qu'il observe une autre voisine qui vient prendre un bain de
soleil avec son chien prénommé Coca-Cola. Cette jeune et blonde
voisine s'appelle Sarah (Riley Keough) et Sam aimerait avec un
rencart avec elle.
C'est
avec elle que le mystère du récit débute. Sarah raccourcit
drastiquement le rendez-vous quand une sorte de pirate débarque chez
elle et le lendemain, elle n'est plus là. L'appartement est vide.
Tel Elliott Gould dans Le Privé, notre nonchalant personnage
va commencer une longue et erratique enquête pour retrouver Sarah.
Toute la première séquence dans ces appartements est un hommage au
film de Robert Altman avec cette voisine qui se promène seins nus,
cette promiscuité de voisinage où Sam fait le voyeur.
Le
quartier de Los Angeles dans lequel il vit n'est pas le plus luxueux,
ça sent le putois, d'ailleurs Sam se fera aspergé par la pisse
pestilentielle d'un putois un soir. Le jeune homme vit de rien, il
n'a pas d'argent pour payer son loyer. Le propriétaire le menace
d'expulsion s'il ne règle pas son loyer dans les cinq jours, ce sera
la durée de l'action, cinq jours où les bizarreries se succèdent
dans un récit extrêmement linéaire parfois interrompu par un
cauchemar (le chien est dévoré) ou un séquence d'animation (la
lecture d'un fanzine).
Los
Angeles, l'empire du cinéma, mais le cinéaste filme la ville dans
ce format scope sans faire le touriste. Mais dans une approche
cinéphile et maniériste, telle cette filature en voiture qui évoque
Psychose (on distingue aussi l'affiche du film dans la chambre
de Sam, on découvre une pierre tombale au nom d'Hitchcock). Le
cinéma est présent partout, extraits de films (Janet Gaynor dans un
Frank Borzage), affiches de film, actrices qui courent le casting (le
plan cul de Sam), actrices reconverties en modèle pour pub.
Cette
pub affirme une chose « you can see clearly now » (tu
vois mieux maintenant) mais plus le film avance, plus les choses se
compliquent autant pour le spectateur que pour notre jeune héros.
Dans son enquête, Sam tente de récolter des signes qui apparaissent
vite comme des éléments disparates (chiffres, cartes, symboles).
Ces signes multiples forme un jeu de piste aussi flamboyant (on
s'amuse quand même beaucoup) que poussif (parfois on se demande où
le cinéaste veut nous emmener). Il faut patienter pour avoir le fin
mot de l'histoire.
Deux
ouvrages mettent en avant ces signes, le premier est le bréviaire
des hobos, des clochards qui circulent de ville en ville.
L'autre ouvrage est cette bédé fanzine d'un homme jaloux du succès
du chien RinTinTin et qui est terrifié par une femme chouette (owl's
kiss), encore une fois des animaux. Au milieu du cadre, on découvre
toujours quelque chose (objet, bout de visage, corps), tout cela doit
faire sens, l'air hébété d'Andrew Garfield (un acteur à l'effet
Koulechov) n'aide pas forcément à tout comprendre.
Un
dernier mot sur la musique omniprésente, lancinante, souvent
fascinante. Un groupe nommé Jesus and the brides of Dracula, une
jeune femme qui danse entourée de ballons et un compositeur qui
affirme avoir écrit lui-même tous les tubes de ses quarante
dernières années. Voilà quelques uns des éléments musicaux qui
tordent la réalité de ce Los Angeles tourné vers son passé
hollywoodien glorieux et peuplé de personnages étranges et
flottants. C'est quand même vachement jouissif d'être surpris comme
ça.
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