vendredi 24 août 2018

Blackkklansman (Spike Lee, 2018) + Equalizer 2 (Antoine Fuqua, 2018)


Dans la famille Washington, je demande le père Denzel et le fils John David. Denzel a un peu joué dans le cinéma de Spike Lee, Malcolm X en toute simplicité, John David interprétait le fils du leader politique et aussi dans Inside man, le dernier film de Spike Lee qu'ai vu, 12 ans déjà. Aujourd'hui, Denzel Washington enchaîne les films avec Antoine Fuqua, un autre genre de cinéaste afro-américain que Spike Lee. Antoine Fuqua cinéaste de film d'action recentre son cinéma depuis quelques films en offrant à Denzel Washington des personnages autrefois joués par des blancs.

Je ne me souviens pas bien de The Equalizer, mais cette suite reprise son rôle de justicier, choisissant ceux qu'il va défendre au hasard de ses rencontres. Ici, tout commence dans un train en Turquie, Denzel porte un barbe postiche, la séquence dépasse le ridicule. Le reste du film est d'une indolence peu supportable, c'est le rythme tranquille de son personnage qui dicte la mise en scène. La narration est incertaine, le montage sans intelligence. Une nouvelle histoire d'agents secrets qui se font dézinguer en Belgique. Une histoire de corruption qu'il va résoudre.

Après plus d'une heure et demie de nonchalance où notre héros entre sa lecture d'A la recherche du temps perdu et la mort de ses amis cherche qui est le traître, le film décolle dans son finale pendant un ouragan sur la côte est. Ce qu'on voit est l'habituel combat d'un héros solitaire qui tue tous ses ennemis pour finir avec le chef des malfrats. Mais Antoine Fuqua masque tout cela avec la pluie torrentielle, les coups de vent violents dans une ville désertée. Ça ne révolutionne pas le cinéma d'action mais ça marche.

John David Washington débute au cinéma (ou presque) après une solide carrière de sportif professionnel. Spike Lee le transporte au début des années 1970. Richard Nixon est encore présidente des USA et les Black Panthers continuent d'organiser des meetings politiques. L'un d'eux est Kwame Ture. Ron Stallworth, le personnage de John David, doit se rendre dans ce meeting pour écouter, pour rendre des comptes à son chef. Car Ron est un flic, d'abord assigné aux archives puis enfin il déniche un poste d'enquêteur.

Le meeting réveille la conscience de Ron Stallworth mais il lui permet surtout de rencontrer Patrice (Laura Harrier), la présidente des étudiants. Il en tombe amoureux et la réciproque sera lente tant elle se consacre aux activités des droits civiques encore bien bafouées dans le Colorado. L'ouverture du film avec le discours d'un candidat au poste de gouverneur superbement interprété par Alec Baldwin est forte, il faut dire que le meilleur acteur au monde a eu de l’entraînement pour savoir jouer un salaud intégral en imitant depuis plusieurs mois Trump au Saturday Night Live.

Pour l'instant, Ron ne dit pas à Patrice qu'il est flic. Faut dire qu'elle les déteste, elle le traite de pigs. Quand ils se revoient lors d'une promenade romantique, elle avoue cependant que dans la blaxploitation elle préfère Shaft, un flic, à Superfly un maquereau. Pour l'instant, Ron joue un rôle à Patrice ainsi qu'à tous les autres étudiants qu'il peut croiser. Et s'il parvient à jouer parfaitement ce rôle, il se dit qu'il peut tout aussi bien incarner un membre putatif du Ku Klux Klan. Comme il trouve leur numéro de téléphone dans les petites annonces, il les appelle.

Spike Lee pratique ainsi la mise en abyme avec un brio inégalé et pour corser le tout, Ron Stallworth sera la voix de ce futur adepte de l'Amérique blanche et son collègue Flip Zimmermann (Adam Driver) sera le corps qui va rencontrer le Klan de Colorado Spings, le Noir est la tête, le Juif est le corps. Les deux hommes se mettent en scène dans un situation abracadabrantesque où la réalité dépasse la fiction. Le bonne idée de Spike Lee est aussi de ne pas rendre trop crétins ces suprémacistes dans leur absolue crétinerie.

Je ne dévoile rien de plus, je conseille vivement d'aller voir Blackkklansman en salle. L'une des plus brillantes séquences du film est en montage parallèle. D'un côté un vieil homme (Harry Bellafonte) raconte un lynchage horrible (son histoire est subtilement poignante) en opposition aux membres du Klan qui regardent Naissance d'une nation de Griffith, avec Connie (Ashlie Atkinson, géniale) l'une des épouses d'un suprémaciste qui lit les intertitres du film comme si elle le vivait. Cerise sur le gâteau, on peut entendre dans le générique de fin une chanson de Prince inédite Mary Don't You Weep, sa voix déchirante avec un piano. Grand film !

Aucun commentaire: