Dans
la famille Washington, je demande le père Denzel et le fils John
David. Denzel a un peu joué dans le cinéma de Spike Lee, Malcolm
X en toute simplicité, John
David interprétait le fils du leader politique et aussi dans Inside
man, le dernier film de Spike
Lee qu'ai vu, 12 ans déjà. Aujourd'hui, Denzel Washington enchaîne
les films avec Antoine Fuqua, un autre genre de cinéaste
afro-américain que Spike Lee. Antoine Fuqua cinéaste de film
d'action recentre son cinéma depuis quelques films en offrant à
Denzel Washington des personnages autrefois joués par des blancs.
Je
ne me souviens pas bien de The
Equalizer, mais cette suite
reprise son rôle de justicier, choisissant ceux qu'il va défendre
au hasard de ses rencontres. Ici, tout commence dans un train en
Turquie, Denzel porte un barbe postiche, la séquence dépasse le
ridicule. Le reste du film est d'une indolence peu supportable, c'est
le rythme tranquille de son personnage qui dicte la mise en scène.
La narration est incertaine, le montage sans intelligence. Une
nouvelle histoire d'agents secrets qui se font dézinguer en
Belgique. Une histoire de corruption qu'il va résoudre.
Après
plus d'une heure et demie de nonchalance où notre héros entre sa
lecture d'A la recherche du temps perdu et la mort de ses amis
cherche qui est le traître, le film décolle dans son finale pendant
un ouragan sur la côte est. Ce qu'on voit est l'habituel combat d'un
héros solitaire qui tue tous ses ennemis pour finir avec le chef des
malfrats. Mais Antoine Fuqua masque tout cela avec la pluie
torrentielle, les coups de vent violents dans une ville désertée.
Ça ne révolutionne pas le cinéma d'action mais ça marche.
John
David Washington débute au cinéma (ou presque) après une solide
carrière de sportif professionnel. Spike Lee le transporte au début
des années 1970. Richard Nixon est encore présidente des USA et les
Black Panthers continuent d'organiser des meetings politiques. L'un
d'eux est Kwame Ture. Ron Stallworth, le personnage de John David,
doit se rendre dans ce meeting pour écouter, pour rendre des comptes
à son chef. Car Ron est un flic, d'abord assigné aux archives puis
enfin il déniche un poste d'enquêteur.
Le
meeting réveille la conscience de Ron Stallworth mais il lui permet
surtout de rencontrer Patrice (Laura Harrier), la présidente des
étudiants. Il en tombe amoureux et la réciproque sera lente tant
elle se consacre aux activités des droits civiques encore bien
bafouées dans le Colorado. L'ouverture du film avec le discours d'un
candidat au poste de gouverneur superbement interprété par Alec
Baldwin est forte, il faut dire que le meilleur acteur au monde a eu
de l’entraînement pour savoir jouer un salaud intégral en imitant
depuis plusieurs mois Trump au Saturday Night Live.
Pour
l'instant, Ron ne dit pas à Patrice qu'il est flic. Faut dire
qu'elle les déteste, elle le traite de pigs.
Quand ils se revoient lors d'une promenade romantique, elle avoue
cependant que dans la blaxploitation elle préfère Shaft, un flic, à
Superfly un maquereau. Pour l'instant, Ron joue un rôle à Patrice
ainsi qu'à tous les autres étudiants qu'il peut croiser. Et s'il
parvient à jouer parfaitement ce rôle, il se dit qu'il peut tout
aussi bien incarner un membre putatif du Ku Klux Klan. Comme il
trouve leur numéro de téléphone dans les petites annonces, il les
appelle.
Spike
Lee pratique ainsi la mise en abyme avec un brio inégalé et pour
corser le tout, Ron Stallworth sera la voix de ce futur adepte de
l'Amérique blanche et son collègue Flip Zimmermann (Adam Driver)
sera le corps qui va rencontrer le Klan de Colorado Spings, le Noir
est la tête, le Juif est le corps. Les deux hommes se mettent en
scène dans un situation abracadabrantesque où la réalité dépasse
la fiction. Le bonne idée de Spike Lee est aussi de ne pas rendre
trop crétins ces suprémacistes dans leur absolue crétinerie.
Je
ne dévoile rien de plus, je conseille vivement d'aller voir
Blackkklansman
en salle. L'une des plus brillantes séquences du film est en montage
parallèle. D'un côté un vieil homme (Harry Bellafonte) raconte un
lynchage horrible (son histoire est subtilement poignante) en
opposition aux membres du Klan qui regardent Naissance
d'une nation de Griffith, avec
Connie (Ashlie Atkinson, géniale) l'une des épouses d'un
suprémaciste qui lit les intertitres du film comme si elle le
vivait. Cerise sur le gâteau, on peut entendre dans le générique
de fin une chanson de Prince inédite Mary Don't You Weep, sa voix
déchirante avec un piano. Grand film !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire