vendredi 2 octobre 2020

Snobs ! (Jean-Pierre Mocky, 1961)

Avec la voix de Michael Lonsdale (il est prénommé Michel dans le générique), Jean-Pierre Mocky fait des merveilles dans Snobs !. « Sauf erreur, ça m'a tout l'air d'être un feutre d'une excellente qualité » dit-il en regardant le chapeau de son directeur qui vient de se noyer dans une cuve de lait. Ce mot qualité, il le prononce qualitè et c'est ce qui fait son snobisme. Tous les é seront prononcés è et vice-versa ce qui procure une puissance comique irrésistible. Faire beaucoup avec un simple détail. Certaines phrases de Michael Lonsdale sont également lancées avec un accent typique de ceux qui se rêvent plus importants qu'ils ne sont.

Car pour l'instant, son personnage Dufaut n'est qu'un des quatre directeurs adjoints, ils filent derrière le directeur dans la laiterie, une coopérative en Normandie. Mais dès que le directeur meurt dans la cuve, après un grand fou rire nerveux de tous, y compris de la veuve (Elina Labourdette), pendant le discours de Dufaut, il faut choisir le nouveau dirigeant. C'est le moment que choisit Jean-Pierre Mocky pour filmer tout ce beau monde en gros plan, sur leur visage satisfait ou inquiet. Pendant tout le film, les quatre directeurs adjoints vont s'écharper et comme dirait un autre grand patron peu distingué lui, Tricatel, « tous les coups sont permis ».

Chacun veut être calife à la place du calife. Les voici les adversaires de Dufaut. Le premier est Tousseur (Claude Mansard), un type du peuple et dont l'épouse porte la culotte à la maison. Son gaga récurrent : il est dans son bain, il demande du vin à sa femme, elle lui répond « lave-toi d'abord », il plonge dans l'eau. Le deuxième est Lainé (Henri Poirier), un catholique bigot, toujours gentil, même s'il terminera en enfer piqué par les fourches de Satan, père d'une demi-douzaine d'enfants. Lui va régulièrement prier à l'église pour avoir le poste. Mais comme Mocky ne croit pas en Dieu, Lainé se fait marcher dessus.

Le troisième est Courtin (Gérard Hoffmann), c'est de loin le personnage préféré du cinéaste. Courtin est aussi le plus jeune, si jeune qu'il sort avec Sarah (Véronique Nordey), encore mineure, une liaison secrète. Le jeu de Gérard Hoffmann repose sur la légèreté (la légéretè dirait Dufaut), sur l'action immédiate (il court souvent dans le film), sur la roublardise, sur des propos à l'emporte-pièce. Courtin est un hédoniste qui doit composer avec les autres bien plus traditionalistes et sur les appuis qui peuplent le film, des généraux, des navigateurs célèbres, un évêque et bien entendu Morloch (Francis Blanche), l'économe de la coopérative.

Il faut bien le dire, Snobs ! a beaucoup de personnages, c'est l'un des films les plus peuplés de Jean-Pierre Mocky et c'est parfois un peu compliqué de suivre tous les coups de chacun. A Francis Blanche est attribué l'homme le plus étrange du film, souvent opaque dans ses agissements. Il travaille dans un bureau qui donne sur un court de tennis, il adore les jeunes hommes, la culture physique (Courtin avec son physique avantageux pense pouvoir le mettre dans sa poche grâce à ça), les tenues extravagantes (un tricot qui ne comporte qu'une manche, une casquette). Morloch est accusé d'homosexualité par Dufaut, ce qui en 1961 était un délit.

Des personnages loufoques, il y en a beaucoup. Ils agissent peu mais parlent beaucoup. En vedettes pour quelques scènes, Pierre Dac, Noël Roquevert, Jacques Dufliho. Dans des rôles plus conséquents, Roger Legris, un acteur récurrent de Mocky. Ici il passe son temps à manger des œufs durs (il ne fait que ça) et à ricaner bizarrement. Il est l'allié principal de Michael Lonsdale, son éminence grise. Bob Secq est un garagiste amateur de jeunes filles qui dansent. Son corps est massif mais sa voix est fluette. Snobs ! était le troisième film du cinéaste, un gros fourre-tout pas encore dégrossi ni totalement maîtrisé mais déjà partiellement jouissif. 


































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