mercredi 21 octobre 2020

Œdipe roi (Pier Paolo Pasolini, 1967)

Pier Paolo Pasolini n'a ps peur du chaos, tout est chaos, désordre et cacophonie dans ses films. Œdipe roi, qui a pris un sacré coup de vieux comme beaucoup de ses films, n'échappe pas à la règle qui veut qu'il faut faire exploser les genres. Il avait dans L'Evangile selon Saint Mathieu filmé le parcours du Christ avec vérisme, naturel, bref caméra à l'épaule. Œdipe roi enclenche l'anti péplum, genre très à la mode à cette époque, pas seulement à Hollywood, mais aussi en Italie (Sergio Leone, Vittorio Cottafavi, Ricardo Freda etc)

Anti péplum consiste à s'approprier un réalisme et refuser les tuniques et les toges propres au film qui évoquent l'Antiquité. Un Italien filme la Grèce antique, entre Thèbes et Corinthe, il va tourner ses scènes dans le Maroc de 1967 dans les décors sobres, un palais de pierres et de sable, le tout dans une mise en scène en couleurs vives. Jusqu'alors, La Ricotta était son film en couleurs (et encore partiellement), pour Œdipe roi, Pasolini se déchaîne avec une nette passion pour l'ocre, ce sera la couleur majeure de son anti péplum.

Pierres et sables sont sur le chemin d'Œdipe, débord enfant ligoté pour être jeté d'une falaise puis adulte incarné par un Franco Citti qui gueule chaque dialogue inspiré de Sophocle. Il faut bien le dire, le jeu forcé de Franco Citti organise ce chaos du cinéaste, il traverse en long et large le cadre du film sur les chemins rocailleux entre les deux cités. La mâchoire serrée, cet Œdipe va trancher la gorge et l'abdomen de son épée de cuivre ses ennemis puis épouser Jocaste la reine de Thèbes, désormais, veuve, que joue Silvana Mangano.

Il est étonnant de voir le jeu radicalement opposé de Silvana Mangano. L'actrice est présente dans le prologue qui se déroule dans une maison bourgeoise au début du 20è siècle, elle est une jeune mère de famille. Elle sourit, joue comme une enfant, glousse avec ses amis. Dans les scènes antiques, elle ne dit presque rien. Mieux que cela, Pier Paolo Pasolini la soumet à l'effet Koulechov dans un champ contre-champ avec Franco Citti, elle réagit à ses violentes diatribes avec un simple effet de regard, de mouvements des yeux, au spectateur de mettre l'émotion dans ces yeux.

Le chaos se joue sur les voix et l'absence de voix (encore et toujours le cinéma italien de l'époque est postsynchronisé) mais aussi sur le silence, sur les sons qui surgissent (les grillons, les cigales), sur la musique ethnique (je n'ai pas trouvé d'autres mots pour la décrire) qui consiste à des percussions, des instruments à cordes et des flûtes (notamment celle jouée par Carmelo Bene puis Ninetto Davoli). La bande son est ce qui frappe le plus dans le film, totalement différente de celles dans les autres films du cinéaste, presque une révolution chez lui.

Tourné au Maroc pour les parties antiques, Œdipe et les autres sont habillés de peaux de bêtes et de parures dorées, comme des illustrations dans les vieux livres. Et autour d'eux tout un monde figurants qui regardent, volontairement, la caméra, comme si Pasolini voulait rappeler que ces figurants marocains méritaient d'être regardés et de nous regarder (là on est pas seulement dans l'anti péplum où toutes peaux des figurants sont roses mais aussi dans l'anti Othello d'Orson Welles, autre production tournée entre l'Italie et le Maroc).

Je ne vais pas m'aventurer à parler des thématiques abordées par le cinéaste dans le film, évidemment du complexe d'Œdipe mais plutôt de mon impression devant la grande scène de colère et de tourments mentaux quand Franco Citti se rend compte qu'il a couché avec sa mère et lui a fait des enfants après avoir tué son père, le voilà le chaos dans toute sa splendeur, un mélange de grandiloquence et de hurlements. C'est une épreuve douloureuse pour Œdipe mais aussi pour moi spectateur de ce film. Une épreuve, c'est le moins que je puisse dire.











































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