mercredi 14 octobre 2020

Babylon (Franco Rosso, 1980)


Dans mes années étudiantes, quand François Mitterrand était encore Président, un de mes amis écoutait souvent du dub. J'ai jamais pu saqué cette musique, pas plus que le reggae et le ska. Babylon qui sort aujourd'hui en est bourré. Le cinéma britannique pratiquait le film musical à cette époque. Babylon n'est jamais sorti en France, malgré une présentation à la Semaine de la critique du Festival de Cannes 1980, dans une autre section – aujourd'hui disparue Perspectives – un documentaire sur le reggae de Jérôme Lapperousaz, Third world prisoner in the street.

Avant d'aller voir Babylon, je pensais que c'était un documentaire d'ailleurs. Pas du tout et ça se sent dès les premières minutes, très enlevées, très rythmées avec de beaux plans et la présentation des personnages. Une camionnette tout d'abord dans laquelle s'engouffrent quelques amis avec des répliques mordantes et un ton de comédie. Le véhicule traverse Londres, plus précisément le quartier de Kingston, logique puisque tout le monde est Jamaïcain ou d'origine jamaïcaine. Enfin tous ou presque.

Dans un garage, Blue (Brinsley Forde) arrive en retard à son boulot. Il a tenté en vain d'emmener son petit frère à l'école (le gamin fait l'école buissonnière dans l'habituel uniforme des écoliers). Il se fait engueuler par son patron Alan, un Blanc aux cheveux longs et sales. Blue retrouve derrière une bagnole le seul Blanc de la bande, Ronnie (Karl Howman), complètement défoncé au cannabis. On distingue un accent anglais typique quand tous ses amis, tous les gars de la bande ont l'accent de la Jamaïque (les parents eux parlent créole).

Londres, 1980, quelques jours avant Noël, un groupe d'amis se prépare pour le show qui va avoir lieu à la fin de la semaine : un concours de dub dans une boîte de nuit. Voilà l'enjeu du film, un concours de musique. Mais pour ça, il faut du matériel que le groupes va s'efforcer de réunir dans la bonne humeur, puisque jusqu'à présent on est dans la comédie. Le film s'amuse à dessiner des situations comiques franchement drôles, l'achat d'un 33 tours inédit, le vol dans un lycée d'une enceinte pour le son.

Surtout ce sont les attitudes des personnages qui font mouche. Le snobisme de Wesley (T-Bone Wesley) avec sa grande écharpe rouge qui négocie auprès d'un impresario dédaigneux, toujours accompagné de Errol (David N. Haynes). Beefy (Trevor Laird), le naïf en survêtement rouge, toujours en retard, un peu moqué par les autres. Lover (Victor Romero Evans), le beau gosse qui va se fiancer dans la semaine. Et enfin Spark (Brian Bovell) qu'on imagine aisément être le plus politique de tous quand les autres veulent surtout s'amuser.

De saynètes en saynètes, le groupe Ital Lion ne pense qu'à préparer cette soirée. Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils sont dynamiques. Tout cela va être contrarié par ceux qui ne peuvent pas les sentir. Le patron de Blue lui sort des saloperies sur sa paresse, il le vire. Les amis se retrouvent le soir dans un garage en face d'un immeuble comme on voit régulièrement dans les films sociaux anglais. La voisine vient frapper au portail dès qu'ils mettent leur 33 tours de reggae, elle les engueule sur un ton méprisant.

La confrontation entre les Anglais blancs et les Jamaïcains prend à chaque venue dans le garage une ampleur plus grande. Avec la voisine, c'est désormais le mari et le fiston qui profère des injures racistes. Le film prend en compte cette époque où Thatcher est arrivée au pouvoir avec comme ambition de créer la discorde non pas entre les différentes classes sociales mais entre les pauvres. Leur garage est détruit, sur les murs sont tagués une croix gammées et NF, le sigle du parti d'extrême droite anglais.

Le ton de comédie disparaît avec ces attaques racistes, la plus importante est la poursuite (sur une musique de jazz) de Blue par des flics en civil, une course poursuite angoissante totalement réussi. Conséquence, chacun balance sa bonne humeur. Le plus nerveux est le sympathique Beefy, il veut tuer tout le monde. Le gentil Ronnie est rejeté par tous les autres, victime expiatoire. Les séquences finales sont troublantes, d'une tension intense. Et si le film est bon, fort, d'une grande finesse, mais cela ne m'a pas fait apprécier plus le reggae, le dub ni le ska. Mais allez voir le film.

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