mercredi 7 octobre 2020

Le Parrain II (Francis Ford Coppola, 1974)

Je disais que mes scènes préférées dans Le Parrain étaient celles de l'exil de Michael (Al Pacino) en Sicile. C'est en Sicile que commence Le Parrain II par un enterrement sur une terre aride, pleine de gros rochers. Une procession a lieu, fanfare en tête de cortège qui joue faux, l'assemblée est rare. Et pour cause, on enterre le père de Vito Corleone. Il ne s'appelait pas encore comme son village d'origine mais Andolini. La veuve, tout en noir, tient son jeune fils. L'année : 1901, la biographie de Vito Andolini peut commencer.

Elle commence avec la mort de son grand-frère, abattu par les sbires du parrain local, Don Ciccio (Giuseppe Sillato) qui veut éliminer toute la famille. La mère, venue implorer son pardon. Certes son fils aîné voulait se venger de la mort de son père, mais désormais, il ne lui reste plus que Vito. Elle explique qu'il est un peu benêt, qu'il ne se vengera pas. Don Ciccio refuse. La mère menace de lui trancher la gorge. Les hommes de main, sur un simple geste du parrain, tire un coup de fusil dans l'abdomen de la veuve.

En fin de film, au bout de près de trois heures d'histoire de la famille Corleone, Vito (Robert De Niro) retourne sur sa terre natale. Il a alors à peu près 35 ans. Il vient faire des affaires avec les Siciliens, du commerce d'huile d'olive. On reconnaît la maison de Don Ciccio. Vito salue avec déférence le vieillard moribond, il lui baise la main, lui montre son huile. Il prend un couteau et le plante au même endroit où la cartouche du fusil avait tué sa mère. Tout ce qui est entre ces deux séquences est la vie de Vito et de Michael Corleone.

Le film prend un aspect sépia pour la partie concentrée sur Vito Andolini. Comment il est extirpé du village, comment il découvre sur la paquebot la statue de la Liberté, comment il, à Ellis Island, on lui attribue le nom de Corleone, comment il est placé en quarantaine. En revanche, toute son adolescence passe à la trappe. C'est Robert De Niro qui prend le relais du jeune acteur. Un Vito déjà marié avec Carmela (Francesca de Campio). Nous sommes en 1916 et le couple est parent de Santino, qui deviendra Sonny.

Les enfants du couple Corleone sont une indication, presque une excuse, de leur psychologie et de leur destin respectif dans Le Parrain. Ils ont des caractères que les répliques leur attribuent. Santino est vite bagarreur, Fredo est vite effacé un peu simplet mais Michael est immédiatement le chouchou de son père. On voit régulièrement la papa porter avec amour son troisième fils, le flatter, le « vendre » à ses amis, ce qu'il ne fait jamais avec les deux autres. Rien de bien fin dans tout cela mais au moins Francis Ford Coppola ne se contredit pas.

Dans ce biopic de Vito Corleone qui occupe la moitié du Parrain II, dans de longues tranches de flash-back mais traitées comme un présent, Vito est un père simple et pauvre. Tout est chamboulé un soir quand un voisin lui demande de garder un paquet, ce sont des revolvers. L'homme, un petit rondouillard, est Clemenza. Il sera la gâchette du clan Corleone dans Le Parrain. Pour l'instant, c'est un petit escroc qui entraîne Vito dans ses larcins. Ils cambriolent les maisons des habitants des quartiers riches de New York.

Dans le Little Italy où vivent les Corleone et les Clemenza, un parrain local fait la loi et le racket. Tout habillé de blanc, Don Fanucci (Gastone Moschin) est là encore un moyen de dessiner, a contrario, ce que deviendra Vito Corleone. Fanucci est narcissique, stupide, violent. Il a dans le collimateur Vito et Clemenza. Il les rackette, beaucoup. Beaucoup trop au goût de Vito. Ce dernier, avec sa voix rauque (Robert De Niro imite parfaitement la voix de Marlon Brando, presque trop), avec son petit sourire, avec son culot, va amadouer le potentat.

Chaque Parrain a sa scène parfaite, celle du Parrain II est la mort de Don Fanucci. Vito Corleone choisit le jour de la procession de la Vierge dans les rues du quartier, comme un rappel de la scène d'ouverture de l'enterrement de son père. Fanucci dans la rue se pavane, Vito sur les toits observe et file sa proie qu'il abat dans un clair obscur. La séquence est d'une simplicité à l'écran, un écrin cinématographique. C'est la prise de pouvoir de Vito qui satisfait toute la rue, c'est la transformation du petit Sicilien en Don Corleone.

Ces long flash-backs de la jeune vie d'adulte de Vito Corleone renseignent sur la succession mise en scène dans Le Parrain. Il est encore plus mis en valeur avec deux plans en surimpression où les deux acteurs se lancent le relais, première surimpression, Michael à gauche et Vito à droite de plein plied, deuxième surimpression, les visages des deux acteurs se superposent, celui de Michael en gros plan disparaît au profit de celui de Vito. Là aussi, l'idée du destin, du fatum est appuyée, Michael en pourra jamais quitter la Famille.

Le récit de Michael commence après la mort de son père, en 1958. Il s'est marié à Kay Adams (Diane Keaton), ils ont un garçon. Tom Hagen (Robert Duvall) est toujours l'avocat de la famille. Connie (Talia Shire) a divorcé, elle vit avec un WASP, délaissant par défi les Italo-américains. Fredo (John Cazale) vit et travaille à Las Vegas. Comme dans Le Parrain, une célébration réunit la famille Corleone, la première communion du fils de Kay et Michael (là aussi lancé par un fondu enchaîné en surimpression).

Le récit autour de Michael est plus complexe que celui de Vito. Kay espérait que la famille fasse enfin des affaires légales. Michael avait donné un délai de cinq ans, mais sept ans plus tard, les Corleone restent des mafieux. La famille a quitté New York pour le Nevada dans une luxueuse maison au bord du Lake Tahoe, une prison pour Kay et ses enfants. Le lieu montre un éloignement des racines de la famille, encore plus loin de la Sicile, encore plus loin de la ville de son père. Michael dirige son nouveau domaine en tyran.

Je disais récit complexe, Francis Ford Coppola multiplie les intrigues et les ennemis. Al Pacino joue l'homme cerné avec un visage impassible, tel un cadavre en devenir. Ennemis d'Etat (une commission enquête), ennemis dans la Famille (qui a voulu l'assassiner ?), problèmes de Connie, Kay, Fredo et une visite à La Havane le jour-même où Fidel Castro prend le pouvoir. Certes tout est expliqué au fur et à mesure dans une mise en scène qui consiste à ceci : l'ascension de Vito et la chute de Michael dans un effet miroir sans fin.


















































 

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