lundi 5 octobre 2020

Les Feux de la rampe (Charles Chaplin, 1952)


En plus de cinq ans de ce blog, je n'ai jamais écrit une seule page sur Buster Keaton. C'est ainsi. Ce n'est pas dans Les Feux de la rampe qu'il a un rôle bien important (il est pourtant en deuxième ligne dans la liste des acteurs du film, après Chaplin et Claire Bloom) mais c'est déjà plus que dans Sunset Boulevard. Il n'apparaît que dans les 20 dernières minutes dans une loge. Au premier plan, Calvero (Charles Chaplin), au fond du cadre Buster Keaton. Tous les deux se maquillent pour le grand show organisé avec comme vedette Calvero.

Les deux hommes entrent ensuite sur scène dans un numéro de duettistes. Buster Keaton au piano. Il ne cesse de faire tomber ses feuilles de partition. Calvero au violon. Le numéro musical n'arrive pas à démarrer devant leur incapacité à se préparer. Keaton marche sur le violon. Puis Calvero fait un numéro en solo. Il doit finir dans la grosse caisse de l'orchestre situé devant la scène du théâtre. Dans se chute (que l'on ne voit pas), il se brise le dos. Il est emmené en coulisses sous les applaudissements et les rires.

Dans le coulisses, on appelle un médecin, c'est la fin de Calvero. Buster Keaton observe la mort de son partenaire dans Les Feux de la rampe. Il est derrière tout le monde à observer son éternel concurrent du burlesque américain mettre en scène sa mort sur scène pour son tout dernier rôle comique au cinéma. Il y a quelque choses d'assez étonnant à voir ces deux briscards du comique se donner la réplique (peu de répliques, mais quelques unes tout de même) et partager les mêmes plans dans un silence encore plus surprenant.

Car le numéro piano violon est donné dans une salle pleine. Tout le monde le dit, l'impresario, les machinistes et aussi Thereza (Claire Bloom) la protégée de Calvero. Mais aucun rire ni applaudissement n'est entendu. Comme si les deux hommes étaient revenus au temps du cinéma muet. C'est que Les Feux de la rampe se déroule en 1914, avant l'entrée en guerre. C'est en 1914 que Charles Chaplin a commencé, pour la Keystone, le cinéma. Cet adieu à la scène est aussi un rappel de ses débuts dans une boucle cinématographique fermée.

L'un des personnages qui faisaient le plus rire les spectateurs à ses débuts était celui de l'ivrogne. Calvero traverse la rue pour se rendre chez lui au tout début de film en titubant, avec un petit sourire de l'homme soûl. Trois enfants sont devant son palier et écoutent une orgue de barbarie. Ces enfants se sont les enfants de Charles Chaplin, Géraldine la plus grande, celle qui parle à Calevro, Michael et Joséphine la plus petite, regardent leur père jouer et lancer son film avec ses cheveux blancs et son grand sourire. Il peine à introduire sa clé dans la serrure.

Calvero habite au deuxième étage. Au rez-de-chaussée habite Thereza. Chaplin a déjà filmé, avant que son clown Calvero n'arrive chez lui, en quelques plans muets, le suicide de la jeune femme. Presque comme Monsieur Verdoux qui venait d'outre tombe, Les Feux de la rampe commence par la mort qui rode – et la mort aura son dû – mais Calvero sauve Thereza, non sans avoir été grondé fermement par sa logeuse, Madame Alsop (Marjorie Bennett) qui voit d'un mauvais œil le tentative de suicide de sa locataire.

Buster Keaton perdait ses feuille des partition dans le numéro final, Thereza en vend à un jeune homme dont elle est amoureuses. Neville (Sidney Chaplin, un autre fils) est compositeur de musique classique mais si pauvre qu'il n'a pas d'argent pour acheter ses partitions. Thereza vole dans la caisse mais se fait renvoyer. Voilà le flash-back qui explique le suicide de la jeune femme. Elle va se faire soigner par Calvero. Il devient pour elle un vrai père. Parce qu'il s'occupe d'elle, il cesse de boire, par respect, il lui laisse sa chambre.

A ce stade du film, on a trois arts représentés, la musique classique, le spectacle théâtral et la danse. Thereza est danseuse mais encore incapable de pratiquer son art. Il faut quand même se farcir un invraisemblable amoncellement de bons sentiments que je trouve très pénibles. Seule une longue tirade de Calvero sort de tant de mièvrerie. Il s'énerve contre ce monde du spectacle avec une violence sèche. Là, c'est la voix de Charles Chaplin qui parle, pas son personnage, furieux et triste d'avoir été si mal traité, d'avoir été oublié.





































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