mercredi 28 octobre 2020

L'Extase de la rose noire (Tatsumi Kumashiro, 1975)

Régulièrement un distributeur ou un éditeur de DVD sort des films japonais érotiques, pinku eiga ou roman porno. Je me rappelle avoir vu en salle il y a plus de 20 ans (sans doute à Lyon) un autre film de Tatsumi Kumashiro (c'était Le Rideau de Fusuma, je n'en garde aucun souvenir mais je suis sûr que c'était bien). L'Extase de la rose noire est une mise en abyme du genre qui, à défaut d'être vertigineuse, regorge de moments cocasses qu'on imagine vécue, pas forcément d'ailleurs par le cinéaste en personne, mais peut-être par un de ses confrères.

Première séquence, un couple fornique à même le sol dans un salon. Juzo, un réalisateur de porno portant sa caméra à l'épaule tourne autour de l'homme et de la femme. Un assistant le suit, le fil électrique qui alimente la caméra. Mieux que cela, Tastumi Kumashiro filme en plan séquence ce Juzo, cet alter ego fictionnel de la même façon, en tournant autour des acteurs. Une table basse transparente en plastic est installée et le couple commence à forniquer là-dessus. Le cameraman glisse sous la table pour enregistrer les parties génitales.

Passé ce plan séquence amusant qui ne révèle rien de sexuel au spectateur (on est donc plutôt dans le pinku eiga), l'actrice en a un peu marre. La position tenue, jambes en l'air tandis que son partenaire, également son mari, la prend, est pénible. Elle veut mettre fin à la scène. Mais le mari est en train de jouir. Au bout d'un moment, avec les protestations de plus en plus sonores de l'actrice, ça s'arrête au grand dam de l'équipe. Elle explique alors qu'elle est enceinte et qu'elle a honte que son futur bébé sente qu'elle est en train de coucher.

La petite troupe propose du cinéma artisanal. On voit une équipe très réduite et des moyens faibles. La pause se fait sur la petite plage à côté de l'appartement, dans la banlieue d'Osaka. L'actrice se baigne nue dans l'eau portant une ombrelle rouge (on pense évidemment à Anna Karina), le film flirte avec l'idée de Nouvelle Vague. D'ailleurs Juzo, le réalisateur du film pense faire des films aussi forts que Nagisa Oshima ou Shohei Imamura. C'est vrai qu'il y a une fureur comme dans Il est mort après la guerre auquel j'ai pensé, avec son rythme trépidant.

L'artisanat passe par la conception de la bande-son du film en train de se faire, car le son n'est pas direct. Le réalisateur et l'acteur, également son preneur son, vont prendre de nombreux sons qu'ils détournent pour les insérer comme autant de sons porno ou érotiques. Ainsi, ils enregistrent un chat qui lape du lait, au ralenti cela fait un râle. Il place son magnétophone dans un cabinet de dentiste. Le son d'une jeune femme qui souffre sous la fraise du dentiste. Cela sera parfait pour l'orgasme de son actrice. C'est la plus belle partie du film.

Comme il est un peu pervers, ça se voit quand même sur sa tête avec ses cheveux hirsutes et que son actrice est enceinte, le réalisateur va tout faire pour embaucher cette jeune femme. Elle est jouée par Naomi Tani, habituée du genre. Ingénue quand il la rencontre, elle va tomber dans son piège mais tomber amoureuse de lui et réciproquement. Ce jeu de séduction est un peu étrange, il est un art de la mise en scène du réalisateur du film dans le film, une mise en scène largement plus sophistiquée que dans son porno.

L'artisanat que défend le film est du même ordre que celui en face de l'appartement du réalisateur, des souffleurs de verre qui travaillent patiemment pour créer leurs œuvres. Dans la séquence la plus hallucinantes, il se mêle une tendresse et une violence, encore une fois une séquence de tournage mais cette fois tout est exacerbé. Le réalisateur couche avec sa nouvelle actrice et se laisse filmer par son équipe. C'est assez dingue et comme c'est très court, ça passe encore mieux, surtout pour moi qui ne suis pas un immense fan de ce genre.


























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