samedi 8 août 2020

Quelle joie de vivre (René Clément, 1961)


Le titre du film sonne comme un programme, une promesse, une injection, de la joie, de la vie et Alain Delon, tout jeune, tout beau qui parle italien du début à la fin dans un rôle que je ne lui connaissais pas. A part, éventuellement, La Tulipe noire, je ne connais pas beaucoup de comédies avec l'acteur. Pourtant dans Quelle joie de vivre, il est très bon, il joue de ses mimiques, des ses yeux, de son sourire pour ce personnage d'Ulysse – c'est son prénom – jeune orphelin né en 1901 qui part faire son service militaire en 1921.

René Clément ne s'attarde pas sur la vie à la caserne, il appuie plutôt sur l'arrivée à Rome et sur l'amitié avec un type trapu, Tiriddu (, lui aussi sorti de l'orphelinat mené par un curé vers l'armée. Le curé leur demande de se mettre en rang bien serré, mais ils préfèrent draguer les filles. En quelques plans, sous la pluie histoire de bien montrer que l'armée ce n'est pas la joie de vivre, il expédie et on retrouve nos deux garçons sans le sou mais heureux de sortir de là. Ulysse dit qu'ils vont vite trouver du travail.

En 1922, l'Italie a changé. Les chemises noires de Mussollini sont partout. On n'entendra pas une seule fois son nom dans Quelle joie de vivre mais on découvre l'implantation des fascistes. Alors Ulysse et son ami se disent qu'ils peuvent trouver du travail chez eux. En effet, ils se voient chargés de la mission de trouve l'imprimeur qui a fait des tracts anarchistes et anti-fascistes. Ils se partagent la liste des 44 imprimeurs, Ulysse tombe chez Fossati (Gino Cervi – avec sa belle moustache). Le R avait un défaut d'impression, c'est bien Fossati l'auteur des tracts.

Sous un prétexte fallacieux, Ulysse se fait passer pour un client. Mais l'imprimante est en panne. Or, Ulysse, toujours aux aguets des jeunes femmes, remarque au dessus de la grille – l'imprimante est au sous-sol – une fille qui gare son vélo. Il grimpe sur le moteur pour mieux la voir. Hop, l'imprimante remarche par miracle et il se fait remarquer par cette demoiselle qui s'avère être la fille des Fossati, Franca (Barbara Blass). Il n'en faut pas plus, primo pour qu'Ulysse se fasse embaucher comme apprenti, deuzio pour qu'il tombe amoureux de Franca.

Alors la famille Fossati est le clou de l'humour du film. Le père se présente comme un anarchiste ce qui n'empêche pas qu'on doit mettre les patins pour se déplacer dans la maison. Avec sa femme ils ont trois fils, de solides gaillards à qui il a donné des noms qui ne sont pas dans le calendrier catholique (Velivelo = Avionneur, Universo et Sanguesparso = Sans répandu). Et votre fille demande Ulysse, elle s'appelle Franca-Conté, comme Franche-Comté, le berceau de la révolution répond le père avec fierté.

Et au-dessus de la table de la cuisine, il y a le grand-père (Carlo Pisacane), encore plus anarchiste que les autres. Il vit, entend-on, depuis 14 ans. Il est sale, il est grande-gueule, il se sert à manger avec des aimants et des ficelles. Le film ne se gène jamais pour faire des digressions et du sur-place, à étendre ses gags dans des infimes variations. Dans cette optique burlesque, l'assaut de la famille dans ce cagibi pour laver ce souillon de grand-père, c'est le morceau de bravoure comique dans un pastiche de film de guerre, c'est très drôle.

Le rythme du film est très étrange, il prend presque la moitié du film à montrer cette famille si atypique, jusqu'à l'extrême. René Clément prend un plaisir fou à caricaturer tout le monde tout en faisant preuve de grande empathie pour ces anarchistes. Puis, il faut continuer avec les mensonges d'Ulysse. Car il n'a pas dit qu'il a débarqué là pour les fascistes. À vrai dire, il s'en fout des fascistes, seule Franca l'intéresse. Seulement voilà, elle rêve de révolution, alors avec l'aide du grand-père un peu foldingue il devient un anarchiste réputé.

Ça court dans tous les sens – sans oublier les patins dans les rues, le Colisée, sur les toits, dans les tunnels. Ugo Tognazzi vient jouer un terroriste bulgare qui pose des bombes sur le parcours des invités du roi d'Italie. On rentre et on sort de prison par un trou dans le siège du confessionnal. Parfois ça dérape dans le comique troupier (à base de coups de pieds), dans quelques facilités, mais je ne connaissais pas ce film et il met rudement en joie tout en faisant un peu de tourisme à Rome dans les ruines antiques. Évidemment, l'amour triomphe et les fascistes et les curés sont régulièrement ridiculisés parce qu'ils n'ont aucune joie de vivre.

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