mercredi 26 août 2020

La Vie criminelle d'Archibald de la Cruz (Luis Buñuel, 1955)

Les boites à musique avec leur ritournelle surannée et aiguë, avec la petite danseuse immobile qui tourne sur elle-même peuvent rendre fou. Celle que Archibald a reçu enfant l'a rendu fou. Luis Buñuel commence l'exploration de la vie de criminel d'Archibaldo de la Cruz par son enfance, un gamin né dans une bonne famille. Une voix off, celle de lui adulte (Ernesto Alonzo) qui se souvient de tout et débute son récit ô combien subjectif de sa vie qui tourne toute entière autour de cette boîte à musique surmontée d'une danseuse.

Dans ses souvenirs, il se voit comme un enfant espiègle qu'une nurse doit garder pendant que les parents, de bons bourgeois de Mexico sont de sortie. Archibaldo n'a jamais eu à se soucier de son avenir mais dehors, la révolution mexicaine gronde, on entend des coups de feu, on voit des soldats dans les rues. Une balle perdue se loge dans la gorge de la nurse mais l'enfant Archibaldo est persuadé qu'il a, grâce à cette boite à musique, et la vision de la morte, de son sang sur son corps provoque chez le gamin un extase érotique.

Il est devenu persuadé d'avoir le pouvoir de tuer les femmes. La religieuse qui le soigne dans l’hôpital va en faire les frais, lui qui raconte cette histoire va effrayer cette infirmière qui s'enfuie et dans sa course finit dans le trou de l'ascenseur, la porte n'était pas fermée. Dans ces deux premières morts qui arrivent dans les 10 premières minutes, on remarque un verre de lait, comme un rappel de Soupçons d'Hitchcock, c'est l'annonce d'une morte à venir, Luis Buñuel joue sur ce simple verre pour mieux égarer le spectateur d'ailleurs.

Car chaque fois qu'on voit une femme arriver dans la vie d'Archibaldo, chaque fois qu'on voit un verre de lait et chaque fois qu'on entend la musiquette, on croit savoir ce qui va se passer mais la malice du cinéaste fait déjouer les plans attendus. Simple exemple celui de Patricia Terrazas (Rita Macedo), femme fantasque qui passe son temps à se chamailler avec son mari. Elle séduit Archibaldo avant de l'éconduire proprement, elle part en voiture, emboutit un mur mais elle s'amuse presque de cet accident.

Elle ne meurt pas dans l'accident automobile, Archibaldo ne l'a pas causé mais quelques scènes plus tard, sa mort est annoncé, un suicide cette fois et là à nouveau Archibaldo se persuade à nouveau de pouvoir tuer les femmes. Il va ainsi se confronter à deux femmes aux caractères diamétralement, sa fiancée potentielle Carlota (Ariana Welter) à qui il offre des poteries qu'il confectionne en personne et Liviana (Miroslava, star du cinéma mexicain morte en pleine gloire), guide touristique qui fait visiter Mexico à des Américains.

L'une est catholique, surveillée par une mère qui évoque Miss Danvers de Rebecca (encore Hitchcock, sans doute la référence ultime, tout comme ces flash-backs fallacieux), convoité par un homme fou de jalousie. Archibaldo voit Carlota toujours chez elle, coincé dans une maison obscure, il voit Liviana dans les rues, elle s'invite chez lui pour montrer au touriste l'atelier de porterie. L'autre est libre dans son corps, si libre qu'elle pose pour les artistes, elle est le modèle pour un mannequin support pour les vêtements. Ce mannequin qui va devenir la figure centrale du film.


Car dans les deux cas, avec son verre de lait, Archibaldo rêve de tuer les deux femmes. Il imagine tuer d'un coup de feu Carlota lors de leur mariage, il envisage de tuer Liviana en l'étranglant puis de l'incinérer dans son four de potier. Sa folie meurtrière ne cesse de grandir au fur et à mesure que sa frustration sexuelle le mine. En fin de film, la jambe du mannequin qui se détache rappelle ce plan de sa nurse sur laquelle il a son unique plaisir érotique. Luis Buñuel finit son film sur une double pirouette comble de l'ironie qui le caractérise.





























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