jeudi 27 août 2020

La Femme aux bottes rouges (Juan Buñuel, 1974)

Un pull blanc, une large cape dessus, une écharpe en laine et des bottes de cuir rouge, voici Françoise Leroy (Catherine Deneuve, c'était la première que l'actrice acceptait de prendre le prénom de sa sœur pour son personnage). Elle est écrivaines. Le titre de son livre « Secrets ». chez un bouquiniste, elle surprend une conversation où un lecteur parle de son livre. Elle ne se présente pas à cet homme mais elle va le suivre.

Il s'appelle Marc (Adalberto Maria Merli), bien propre sur lui, marié avec une certaine Sophie qui va vite mourir. Françoise prend un certain plaisir à suivre cet homme, à voir où il se rend, où il habite et elle commence à lui écrire des lettres. Elle est d'autant plus satisfaite que l'homme inconnu lui répond par lettre également. Enfin, c'est ce qu'elle croit. Françoise est également suivie de près par un autre homme bon bourgeois.

Il ne se déplace qu'en limousine cet homme. Il doit probablement être fortuné. Perrot (Fernando Rey) lance le film avec une étrange scène, il visite une galerie d'art moderne, il est soudain pris de malaise, son chauffeur Kleber (José Sacristan) qui lui sert d'homme à tout faire – et quand je dis tout, je dis tout – vient vite lui bander les yeux, l'exfiltre et annonce tout de go au galeriste qu'il achète toutes les toiles.

Ne serait-ce que la présentation des ces quelques personnages, le film serait déjà intrigant, même si il se sent ici et là que ça coince un peu pour lier tout ça, que ça cherche à tout prix à ressembler aux films de Luis Buñuel de la même époque. Après tout c'est bien normal, Juan Buñuel s'est entouré de Jean-Claude Carrière pour ce scénario qui quitte Madrid, où peu de gens semblent habiter tant les rues sont vide, pour une château à la campagne.

Soit Françoise venue sur invitation de Perrot pour écrire son autobiographie. « Déjà, mais je n'ai que 29 ans » dit-elle. Il veut financer son nouveau livre. Elle n'a aucune idée par quelle phrase commencer. Soit Marc, désormais veuf, étonné de voir Françoise. Soit Kleber, toujours aux ordres de son patron, les devançant même parfois. C'est presque à se demander si le patron réel n'est pas Kleber, à moins que d'autres liens, non exploités par le récit, les unissent.

Rien n'est dû au hasard affirme haut et fort, non sans fierté Perrot à Françoise « Je n'aime pas beaucoup le hasard, j'aime les jeux de logique ». C'est vrai qu'on a souvent qualifié, superficiellement, le cinéma « surréaliste » d’œuvre du hasard. Juan Buñuel nie cela avec ironie. Perrot joue d'ailleurs aux échecs avec Françoise, mais un jeu spécial avec trois plateaux, métaphore de la complexité mise en scène dans le film.

Deux personnages viennent compléter la vie de château. Richard (Jacques Weber) est peintre, éventuellement l'amant de Françoise mais dans une idée d'amour libre. Si libre que Françoise découvre le matin une jeune femme nue dans le lit de leur appartement. Richard vient ici finir une de ses toiles, un couloir en trompe-l’œil, une peinture qui va prendre corps pendant le film, jusqu'à sembler totalement réaliste et devenir un vrai couloir du château.

L'autre personnage, le plus fantasque et le plus ingrat est Eléonore (Laure Betti), la bonne tout en noir au visage fermé. Ingrat parce qu'elle est longtemps cantonné au rôle de bonne serviable et muette, fantasque parce que certains de ses actes portent le film vers un délire visuel de plus en plus perturbant pour la vie de la petite bande. Elle se met soudain à casser les assiettes au lieu de les laver ou à danser sur de la musique tzigane avec Perrot.

Le film est scandé de scènes étranges qui reviennent régulièrement. Ce sont des visions de Françoise, des fantasmes qui se réalisent sous ses yeux : le lit se transforme en baldaquin, une page que Françoise juge nulle s'enflamme, la bouteille d'Armagnac devient une tête de veau. En revanche, ce qui revient plusieurs fois ce sont les cadres des tableaux sans toiles, cela est encore plus étrange que ces visions somme toute bien classiques.


Les cadres sont vides et les caves sont pleines d’œuvres mutilées, toiles déchirées, manuscrits brûlés ou déchirés par des balles, sculptures démontées. La réalité de Perrot est celle-là, il souhaite « la mort de l'art » (le film aurait pu s'appeler comme ça). Il y a là-dedans une certaine inquiétude de l'étrangeté mais, je le redis, c'est un peu moins percutant que les films de son père, tout en restant parfois jouissif dans cette cocasserie.
































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