vendredi 28 août 2020

Germinal (Claude Berri, 1993)

Toute une génération a subi Germinal, ces élèves de lycée nés trois quatre ans après moi ont dû aller voir le film de Claude Berri en Première avec leur professeur de français. J'ai échappé à ça et je découvrais le film non sans un certain ennui, d'autant qu'il est très long (cela dit la version muette de 1913 réalisée par Albert Capellani dure également 2h30). C'était parfait pour les enseignants de 1933 le Germinal de Claude Berri, le film est suffisamment académique pour les inspecteurs académiques.

C'est par Etienne Lantier (Renaud), le prolo sans attache que l'aspect documentaire du film s'enclenche. Découvrir le travail à la mine, les ouvriers qui habitent les lieux, les rudes conditions, tout passe par les yeux écarquillés du chanteur devenu comédien. C'est aussi, dans cette atmosphère nocturne, le bruit des machines. Le patriarche de la famille Maheu (Jean Carmet) est le premier qu'il voit, tout mâchuré de suie. Le vieux Maheu travaille là depuis 50 ans, il déglutit le charbon qui a infesté ses poumons.

Il va trouver du travail, ça tombe bien l'une des mineuses est morte. Il va prendre sa place. C'est la descente dans la mine avec des hommes et des femmes de tout âge. La première descente est la plus impressionnante du film puisque Claude Berri travaille encore dans son récit l'aspect documentaire, il le fait avec l'immersion totale du spectateur dans un monde qui n'existe plus. Quelques minutes plus tard, les acteurs sortent le visage noirci, on les aura vus travailler le temps de quelques coups de pioche sur le charbon.

La famille Maheu recueille Lantier. D'abord les stars du cinéma français, Gérard Depardieu et Miou-Miou en parents, deux grands fils et une fille Judith Henry, ancienne espoir de l'Académie des César, aujourd'hui un peu oubliée. La famille est encore plus nombreuses dans une toute petite maison, avec un tout petit salaire qui vient d'être remis à chacun suivant leur travail respectif. On prend dans la cour un bain salvateur pour se nettoyer. On s'amuse, le ton est finalement très joyeux même si la vie est rude.

En contre-plan des Maheu, le film s'attache aussi aux patrons mais sur un ton différent. L'opposition la plus remarquable est moins dans le grand patron Monsieur Hennebeau (Jacques Dacqmine) que son épouse (Anny Dupérey) qui doit débiter des dialogues comme si elle était la reine de France qui voyant que les pauvres réclament du pain se demande pourquoi ils ne mangent pas de la brioche. On sent dans le film une volonté de ridiculiser les patrons (c'est bien compréhensible) qui ne comprennent rien à la situation et sont cupides sont peu subtiles.

Leur amis bourgeois ne sont pas en reste. Les quelques scènes chez les Grégoire quand la Maheude vient chercher des vêtements et mendier dignement sont un peu mieux. Madame Gérgoire (Annick Alane) est plus généreuse que Madame Hennebeau mais tout cela passe encore une fois par des dialogues. Mais de façon générale, les gens de bien, bourgeois, patrons, commerçants, sont des ordures, des vendus, mieux ils se prétendent irresponsables des malheurs des mineurs. Le grand patron leur dit toujours qu'il n'est que le directeur.

Je regrette vraiment la charge permanente et de tous les côtés. Le personnage de syndicaliste communiste que joue Laurent Terzieff, grimé en Lénine, frise le ridicule. Les gueulantes de Miou-Miou contre tout le monde et notamment sa fille qui « trahit » sa condition sociale ne sont guère mieux. A vrai dire, seul le personnage de Jean-Roger Milo, Chaval le contremaître, celui qui navigue entre les patrons rapaces et les ouvriers oiseaux de proie, m'apparaît le plus construit dans ses tiraillements perpétuels.

De tous ces points de vue, Germinal n'est pas si différent d'Uranus, Claude Berri renvoie chacun dos à dos. Mais ce qui étonne dans cette super-production est l'absence assez critique d'émotion quand un des mineurs meurt, se blesse, se voit stigmatisé. Les mouvements de grève manquent d'ampleur malgré les majestueux mouvements de grue et la partie finale, celle du coup de grisou ne parvient pas à accéder au suspense qu'il promet à grands coups de la musique de Jean-Louis Rocques. Non définitivement, je n'aime pas du tout Germinal.


































 

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