mercredi 6 février 2019

L'Etrangleur de Rillington Place (Richard Fleischer, 1970)

Je poursuis mon voyage dans le cinéma de Richard Fleischer avec un détour à Londres dans l'endroit le plus sinistre d'Angleterre, 10 Rillington Place. Ce décor est constitué d'un bout de rue, une impasse en vérité au bout de laquelle un immeuble, devenu gris et abominable avec le temps, de deux étages sera le centre de crimes atroces commis par un seul homme. On lui aurait pourtant confié le bon dieu sans confession à ce John Reginald Christie.

Enfin presque. Richard Attenborough apparaît derrière son rideau et Richard Fleischer filme cet étrangleur avec un air suspect dès la première apparition pour son premier crime qu'il commet une nuit de 1944, la guerre est à peine finie. Une jeune femme débarque dans l'immeuble, il entrouvre la porte. Il est là, chauve (alors que l'acteur portait des cheveux), lunettes cerclées, ce qui rend son visage rond inquiétant immédiatement. Et cette voix trop douce, à peine audible.

Sa pratique de l'étranglement s'apparente à un opération chirurgicale. Un bocal rempli d'un liquide blanc, un tuyau qui sort de ce bocal, le gaz pour endormir la victime et un corde fine pour étrangler la femme assoupie. Puis, il s'agit de faire disparaître le corps. Reg Christie l'enterre dans l'arrière cours. C'est à ce moment que le spectateur comprend, à cause d'un chien qui creuse et d'une jambe qui sort de terre, que notre homme n'en est pas à son premier coup.

Quatre années passent, la guerre est derrière eux mais la pauvreté règne en Angleterre. C'est surtout une crise de logement comme partout en Europe. Depuis cette séquence d'ouverture, Reg s'est marié avec une femme moins gracieuse (Pat Heywood) que la jeune femme qu'il a étranglée. Ce qui saute aux yeux est qu'il l'a épousé précisément à cause de ce physique banal, grossier, presque masculin, comme un antidote. Depuis Reg n'a pas commis d'autres meurtres.

Quand Beryl (Judy Beeson) et son mari Tim Evans (John Hurt) viennent pour occuper l'appartement du deuxième étage, les regard scabreux de Reg Christie revient comme un éclair frappe un arbre en plein orage. Les Evans ont une petite fille. A vrai dire, Christie ne semble pas emballer pour leur louer l'appartement, il est bien décrépi et Beryl montre peu d'enthousiasme également, mais Tim insiste, le trouve convenable cet appartement, les voilà installés.

Je disais plus haut que Richard Attenborough joue son personnage avec une voix douce, ce qui n'empêche pas un ton autoritaire et condescendent. Une autorité qu'il exerce sur Beryl. Inversement, John Hurt joue un personnage électrique, qui raconte des bobards à ses collègues, toujours sur le qui-vive, il s'emporte facilement, il subit son impulsivité, cela a une conséquence directe, la fillette se met à pleurer quand il rentre du travail. Cela ennuie Christie qui se fait réveiller et monte les sermonner.

Ce personnage de Reg Christie est une pure invention, l'homme se met en scène devant les autres pour mieux les manipuler, pour profiter de leur faiblesse. Il se prend pour le souverain de son immeuble, le 10 Rillington Place est son royaume dont personne ne peut le déloger. L'homme s'est inventé un passé, il se prétend médecin, il se dit ancien policier, dans une Angleterre corsetée, cela le place dans une classe sociale supérieure à celle des Evans, cela lui arroge le droit de tuer ces êtres inférieurs.

Les crimes crapuleux qu'il commet dans la deuxième partie, tuer Beryl et leur fillette, sont encore mis en scène par ses soins. A Tim, il invente une histoire et va tout faire pour que la police l'accuse de ces deux crimes. Les regards se déplacent, celui de Madame Christie se fait plus angoissé, devinant que son mari est l'incarnation du Mal. Le sentiment d'étouffement, de claustrophobie, s'amplifie tandis que l'injustice se met en (dé)route et que Tim sort enfin de cette place pour aller à la campagne.


Dans un mouvement de balancier, lors du procès, Tim semble avoir perdu sa voix, ne dit plus rien, d'autant qu'il traîne sa réputation de menteur alors que Reg Christie s'exprime avec toujours ce ton complaisant. Il continuer d'inventer une histoire, il ne cesse de mettre en scène la culpabilité de Tim Evans, de l'accabler de ses crimes. Le film n'est pas seulement d'une tristesse infinie, il marque toute la folie d'une logique implacable, d'autant plus atroce que parait-il cela est inspiré de faits divers.





















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