jeudi 3 mai 2018

Transit (Christian Petzold, 2018)


Mine de rien, ça fait un drôle d'effet de voir au détour d'un plan, en insert, un passeport du Troisième Reich alors que jusque là dans Transit (soir à peu près cinq minutes de film), tout se passait à notre époque dans un Paris que l'on connaît bien, dans un croisement de la Rue des Pyrénées, quartier nord-est de la capitale et cosmopolite par essence. Des voitures de police filent à toute vitesse dans la rue, sirène et gyrophare allumés, dans un café, le regard inquiet de Georg (Franz Rogowski) observe tout cela.

Il court dans la rue. Il cherche à se cacher dans les portes d'immeuble. Une femme alerte les flics « il est passé par là », elle tend le doigt. Les flics courent, des passants (sans doute par au courant du tournage regardent étonnés). A quelle époque vit-on dans Transit ? Bien entendu, j'avais lu que cela se passe en 1940 mais cela demande un petit temps d'adaptation. Cet effet de faux temps, il avait déjà été expérimenté dans l'épisode de la série Arte Tous les garçons et les filles en 1994, Chantal Akerman s'y était collé, le film était titré Portrait d'une jeune fille de la fin des années 60 à Bruxelles.

Dans son costume noir un peu étriqué, portant une chemise blanche, Georg cherche dans ce Paris « occupé » à échapper « aux rafles » (ce sont des mots très présents dans les premiers dialogues). On ne saura jamais pourquoi Georg a quitté l'Allemagne, opposant politique ou Juif. Dans un hôtel, la patronne profite de l'aubaine pour faire payer un prix exorbitant cette petite chambre. Sa chance est d'être tombé sur ce passeport, celui d'un écrivain mort. Une lettre, un roman tout juste écrit et le moyen de passer à l'ambassade du Mexique pour trouver refuge là-bas avec un transit à New-York. Le récit est lancé.

Le rapprochement temporel entre les rafles de 1940 est assez vite déplacé dès que Georg quitte Paris pour Marseille, ce sont les rencontres avec les personnages qui constituent l'histoire de Transit. Un gamin avec qui il joue au ballon et sa mère Melissa, une femme avec deux gros chiens et surtout l'étrange Marie (Paula Beer). Elle l'aborde à une bouche de métro, elle lui tape sur l'épaule persuadée qu'elle le connaît. Elle file aussi vite qu'elle est apparue, une étoile filante dans sa petite robe sombre, Georg se demande même s'il l'a vraiment vue. On comprendra à Marseille pourquoi elle pense le connaître.

C'est cette question que porte le personnage de Georg et tout Transit, cet affrontement entre la réalité et le rêve (rêve de partir de France, de coucher avec Marie, de se faire passer pour un autre). Plus que le décalage des époques, ce qui trouble est la voix off de Jean-Pierre Darroussin qui lit des extraits du roman d'Anna Seghers et qui ne correspondent pas tout à fait à ce que montrent les images de Christian Petzold, histoire de perturber encore plus le spectateur. Cela donne un film qui m'a souvent étonné où il faut un peu travailler pour reconstruire le récit, ce qui en période où tout est énoncé avec simplisme est franchement réjouissant.

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