dimanche 20 mai 2018

Black Panthers (Agnès Varda, 1968)

S'il y a bien une chose qu'Agnès Varda n'arrive pas à faire, c'est prendre du recul. Elle prend fait et cause pour les Black Panthers qu'elle filme à Oakland, Californie l'été 1968. On est très loin de la distance amusée que prenait Chris Marker dans Lettre de Sibérie qui commençait comme une ode à l'URSS et poursuivait dans l'ironie. Dix ans ont changé le monde, la guerre du Viet Nam surtout et l'assassinat de Martin Luther King Jr en avril 1968 qu'Agnès Varda évacue en une phrase.

Plus que l'approche non violente du pasteur, elle admire la milice des Black Panthers, cette armée tout de noir vêtue, béret sur la tête, lunettes opaques au visage qui suit les flics quand les flics tracent des Noirs. D'ailleurs les policiers sont renommés les cochons. Pendant ces 27 minutes, Agnès Varda propose une mise en scène de propagande d'une redoutable efficacité, pour aboutir à cette image ultime de la vitrine criblée de balles de la police, symbole de cet acharnement.

Au cœur du film se trouve deux événements, l'emprisonnement de Huey Newton, fondateur des Black Panthers. Des chanteurs scandent « Free Huey », on danse en levant les poings, des drapeaux bleus sont déployés. La pelouse du tribunal d'Oakland est occupée par des manifestants. Ils restent silencieux, debout au garde à vous, Agnès Varda va écouter Huey Newton dans sa prison, il parle de révolution maoïste pour son peuple.

L'autre événement est la candidature de Eldridge Cleaver à l’élection présidentielle (Richard Nixon la gagnera) pour le Peace and Freedom Party (la preuve selon Varda que les Black Panthers sont pour la paix). Son épouse Katherine fait des meetings, distribue des tracts. Agnès Varda appuie que les Black Panthers est aussi un mouvement féministe. Elle filme leur cheveux qu'elle conserve dans leur forme naturelle et non lissés comme à Hollywood.


Ce reportage, comme le signale le carton en guise de générique, et non un documentaire, a beau ne pas prendre de recul, il est construit avec panache. La voix d'Agnès Varda est vive, jamais elle n'a parlé aussi rapidement dans un de ses courts-métrages, donnant un maximum d'informations, loin de sa nonchalance habituelle. La construction du film est un modèle de montage organique avec des plans magnifiques. Evidemment, il a été refusé par l'ORTF gaullienne.



















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