jeudi 17 mai 2018

Corpo eléctrico (Marcelo Caetano, 2017)


Il ne faut pas se fier à l'affiche aux couleurs chaudes (largement inspirée de celle créée par Andy Warhol pour Querelle) en encore moins à la bande annonce qui mise sur la présence des drag queens exubérants et flamboyants. Corpo eléctrico fait partie de ces films qui avancent lentement avec un scénario minimaliste, appuyant sur l'aspect documentaire du métier des protagonistes. Ici, Elias (Kelner Macédo), petit gars bien propre sur lui, il vient d'arriver à São Paulo et travaille dans une usine textile.

Le jeune homme de 23 ans ouvre le film, allongé dans son lit, nu, un joint à la bouche, il discute avec son mec du soir. La première partie alterne les scènes de lit en plan fixe serré avec des longues discussions de Elias avec ses plans cul et la découverte de ses collègues dans l'usine textile en plan large. On comprend qu'Elias est le nouveau bras droit de la patronne. On rencontre les ouvriers et notamment Fernando jeune émigré de Guinée Bissau qu'Elias s'empresse de dessiner dans son carnet de croquis.

Ce qui ressort est moins la timidité d'Elias, sa douceur quand il parle, son discret sourire, que sa grande solitude. Chaque repas avec ses collègues, chaque pause est un moment de respiration. Tout à coup, tout le monde se réunit dans la salle commune, chacun sort ses sodas, ses gâteaux à la carotte ou le panettone, chacun discute de tout et de rien, de son passé (Fernando envoie son salaire à sa famille) de son futur peu reluisant. L'important est de ne pas penser à retrouver son petit studio dans un quartier d'immeubles.

Dans la construction de sa vie à São Paulo, il fait deux rencontres totalement opposées. Arthur (Ronaldo Serruya ) et Wellington (Lucas Andrade). Le « daddy » blanc et bourgeois et le « minet » noir et pauvre. Il est attiré par ces deux pôles et plutôt que choisir entre l'un et l'autre, il cherche à les faire se rejoindre. Le DRH l'encourage à accéder à la bourgeoisie compte tenu de sa position dans l'entreprise, il faut tenir son rang, ne pas se mélanger entre classes sociales. L'idée du cosmopolitisme brésilien est battu à froid.

Le film sort de sa sinistrose quand Wellington présente un quatuor de drag queens à Elias. Trois belles scènes éclatent tel un feu d'artifice. La traversée de la ville en scooters illuminés sur un adagio d'Haydn, un mariage païen d'un collègue d'Elias avec sa petite amie toute en tendresse dans la villa d'Arthur en bord de mer, là toutes les classes sociales se mélangent dans tous les sens du terme. Entre les deux, une courte scène de pluie où les piétons envahissent munis de parapluie la rue, accentuant la solitude d'Elias au milieu de la foule en cette veille de Noël.

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