jeudi 16 mars 2017

The Lost city of Z (James Gray, 2016)

« Il n'a pas été judicieux dans le choix de ces ancêtres » dit un aristocrate à l'archiduc au sujet de Percy Fawcett (Charlie Hunnam) lors de la réception organisée après une chasse à courre où le major de l'armée britannique avait tué un cerf en l'honneur de ce Lord local. Fawcett, à cause de son père alcoolique et joueur, n'est pas invité à la table d'honneur de l'archiduc, laissé à la réception avec son épouse Nina (Sienna Miller) avec laquelle il parade au milieu de la salle de bal en bel uniforme militaire pour entamer une valse sous le regard de la noblesse coloniale dans l'Irlande encore sous le joug de l'Angleterre.

En cette année 1905, quand commence The Lost city of Z, les enjeux coloniaux sont encore primordiaux. James Gray le souligne avec une économie de dialogues et une grande subtilité. Percy Fawcett, soldat en Irlande, a été toute sa vie soumis aux ordres des aristocrates locaux et au Roi de Grande-Bretagne. Fawcett a baroudé à Ceylan, à Hong Kong, laissant son épouse en Europe avec leur fils Jack. Les enfants ont une grande importance dans le film divisé en trois parties, trois voyages et autant d'enfants qui naissent, Ryan puis Joan, qu'il ne verra jamais grandir. Le film s'étend sur une vingtaine d'années.

La Société Royale de Géographie décide de lui donner une nouvelle mission. Entre le Pérou et le Brésil, dans la partie occidentale de l'Amazonie, tout est à découvrir, c'est la dernière frontière, celle du désert vert. Un conflit s'est déclaré entre les deux pays et le Royaume Uni voit ici l'occasion d'accentuer son pouvoir colonial, non plus en établissant des comptoirs mais en cartographiant cette région inconnue, en dessinant des frontières et en relevant les matières premières nécessaires au développement industriel, notamment le caoutchouc.

Percy a d'autres ambitions. Il effectuera cette mission mais rêve à la cité perdue de Z (prononcé zèd). Son épouse Nina a trouvé un parchemin oublié d'explorateurs portugais affirmant avoir vu une civilisation au milieu de ce monde. L'une des plus belles scènes du film voit le premier compte-rendu donné par Percy Fawcett à la société où les membre se gaussent de l'idée que des « sauvages » puissent être seulement civilisés, eux qui n'ont jamais embrassé la chrétienté. C'est une scène déchirante, d'une rare violence verbale, un affrontement entre les conservateurs et le progressiste qu'est Percy.

Mais avant cette conférence houleuse, le premier voyage en forêt amazonienne est un parcours du combattant. Percy est guidé par un esclave amazonien, un esclave enchaîné dont on découvre sur le dos des marques de fouet. Pour cet Indien, guider Percy est la porte de sa liberté. L'explorateur est accompagné d'un géographe, Henry Costin (Robert Pattinson, méconnaissable avec sa grande barbe) et de Manley (Edward Ashley). Ce premier voyage est le plus beau, notamment avec la rencontre de ce baron qu'incarne Franco Nero, dans un émouvant hommage à Fitzcarraldo, écoutant au milieu de la jungle un opéra.

Toute cette première partie est sous le signe de la faune. Le cerf de la chasse dans la scène d'ouverture, les chauves souris bruyantes lors de le première nuit en bivouac, un serpent qui glisse entre les jambes, un chihuahua qui taquine Costin, des moustiques, un sanglier providentiel quand ils crèvent de faim et surtout une belle scène où un homme de l'expédition se fait dévorer par des piranhas après une panique due à une attaque par des Guaranis. A certains moments, on se croirait dans L'Oreille cassée, l'aventure très feuilletonesque de Tintin en Amérique du sud.

Trois voyages en Amazonie sur 20 ans et chaque retour en Angleterre est l'occasion pour Percy Fawcett de retrouver sa femme et ses enfants. Pour repartir aussitôt avec son comparse Costin, avec lequel les rapports ne sont pas sans ambiguïté. L'explorateur n'a pas choisi ses ancêtres mais construit, avec patience, son destin. Charlie Hunnam porte tout le film sur ses épaules, il est de toutes les scènes, il est un héros à la Raoul Walsh qui fonce, la construction m'a rappelé, avec ses allers-retours, They died with their boots on - La Charge fantastique). Quand je découvrais en 1999 la série britannique Queer as folk où Charlie Hunnam jouait un adolescent, je ne pensais pas qu'il deviendrait un acteur de cette envergure.

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