mardi 14 mars 2017

La Vénus blonde (Josef Von Sternberg, 1932)

« Quelle histoire tu veux que je te raconte ? » demande Helen (Marlene Dietrich) à son fils au moment d'aller le coucher. « Celle en Allemagne » répond le petit Johnny (Dickie Moore) en appelant son père Ned Faraday (Herbert Marshall). L'histoire préférée de cet enfant né de l'amour entre une Allemande et un Américain a commencé un printemps dans la Forêt Noire. Ned était avec six camarades étudiants, Helen était en train de se baigner dans une rivière avec cinq amies. Les Américains se sont approchés pour observer ces six naïades en tenue d'Eve et Ned a suggéré de venir admirer Helen à son spectacle et de l'inviter à dîner après.

La Vénus blonde commence sous un soleil éclatant par une scène d'un érotisme qui a dû troubler plus d'un spectateur de 1932, des jeunes filles nues dans une rivière. Josef Von Sternberg ne perd pas une seconde et dans un montage fulgurant entre l'eau de la rivière et celle du bain de l'enfant du couple, il poursuit son récit à New York. Helen n'est plus une chanteuse de cabaret mais une mère au foyer qui chouchoute son enfant, le porte sur le dos pour aller le coucher, fait de la couture. C'est le mari qui travaille, il est chimiste, mais il se sait très malade et va devoir aller se soigner en Europe. Il laisse quelques mois Helen et Johnny à New York non sans avoir accepté qu'elle redevienne une vedette de cabaret.

Le cabaret et le grand spectacle, Josef Von Sternberg connaît bien ça. Helen prendra le pseudonyme de Helen Jones et son nom d'artiste est Blonde Venus. Pour son premier show dans le cabaret, elle est déguisée en gorille, derrière elle des danseuses sont en Africaines sauvages. Puis, le gorille retire sa gueule et Helen revêt une perruque blonde crépue avec des os dans la chevelure. Enfin, elle entonne une première chanson. Immédiatement, Blonde Venus devient une star du music hall, au grand bonheur du patron du cabaret et au grand dam de sa rivale, une femme aux yeux tristes surnommée Taxi. D'autant plus rivale que Helen chipe Nick Townsend (Cary Grant) qui admire la Blonde Venus.

La gloire est suivie de la déchéance. La gloire, c'est la vie aisée avec Townsend. Il ne devient pas son amant mais passe son temps avec Helen et Johnny. Helen, grâce au succès, vit la belle vie, a de belles robes, tandis que son mari est à des milliers de kilomètres. La déchéance vient au retour de Ned qui apprend que Townsend est devenu son amant platonique. Il y a une certaine cruauté au rejet de Helen par Ned, à sa demande d'abandonner son fils. Helen s'enfuit avec son fils et le film commence une chasse à la femme où, ville après ville, un détective privé suit Helen qui voit sa vie devenir de plus en plus difficile, elle devient de plus en plus pauvre, ne trouvant jamais des engagements quand les patrons de cabaret apprennent qu'elle est recherchée.

C'est par rupture de ton que Josef Von Sternberg raconte le destin tragique de son héroïne et la haine de son mari, et ces ruptures sont visibles dans les tenues que porte Marlene Dietrich. Les beaux chapeaux en plume et les belles robes laissent place aux habits légers, aux collants déchirés et à l'angoisse. Helen est rejetée par tous, sauf les déclassés, les Noirs qui sont comme elle méprisés, les pauvres gens qui acceptent de l'accueillir. La déchéance est ainsi suivie de la rédemption, mais sûrement pas de la contrition. La séquence de La Vénus blonde où Helen Jones revient sur le devant de la scène travestie en homme, costume blanc et chapeau claque, affirme qu'elle a pris le pouvoir, comme un homme. Mais quand elle retrouve enfin son fils, il réclame encore une fois cette histoire en Allemagne.
































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