mardi 28 mars 2017

De Palma (Noah Baumbach & Jake Paltrow, 2016)

Le film aurait pu s'appeler « Voyage à travers le cinéma de Brian De Palma », mais au lieu de cela il sera titré tout simplement De Palma, des lettres rouges capitales viennent de la droite du cadre D E P A L M A et enchaînent immédiatement avec un extrait de Vertigo d'Alfred Hitchcock, la scène où James Stewart est sur le toit et Brian De Palma qui raconte que ce film, qu'il vît en 1958, fût son premier grand choc cinématographique. Il ne manquera jamais, comme on le sait, de glisser des hommages à Hitchcock dans ses films.

Le cinéaste est assis, veste sombre, et ne cessera jamais de parler pendant ce documentaire de 105 minutes qui résume toute sa vie (une gageure), ses 50 ans de cinéma depuis ses courts-métrages d'étudiants jusqu'à Passion en 2013. Mais il commence à son enfance, son adolescence expédiée en 5 minutes chrono pour se consacrer à son œuvre. Il va sans dire que Brian De Palma est l'un de mes cinéastes préférés et j'ajoute que Carrie est pour moi son meilleur film et j'en admire bien d'autres.

Ce qu'il y a de merveilleux dans ce film de Noah Baumbach et Jake Paltrow (visible cette semaine sur Arte+7 et disponible en DVD), c'est que Brian De Palma n'est pas seulement un conteur épatant, et il sait parfaitement bien raconter tous les mouvements de sa vie, toute la conception de ses films, c'est qu'il est aussi son meilleur exégète. Il parvient à analyser ses films à la perfection, et c'est un bonheur totalement jouissif de l'écouter parler (quel dommage cette voice over plutôt que des sous-titres).

Sa vie avant le cinéma est illustrée par des photos quand il était petit, de ses parents (son père trompait sa mère et le personnage du jeune photographe, fils de Jessica Lange dans Pulsions est inspiré de Brian), de ses frères, de sa vie à Philadelphie et de son entrée à l'Université de Columbia où il mena des études scientifiques brillantes. Et un jour, il s'inscrit à un ciné-club où il découvre plein de films, et notamment ceux de la Nouvelle Vague. Et il se lance dans le court-métrage puis le long à 24 ans avec The Wedding party.

Comme dans l'excellent livre d'entretien avec Samuel Blumenfeld et Laurent Vachaud (qui date de 2002), Brian De Palma évoque sa filmographie dans l'ordre chronologique. Et il parle, il parle, il parle sans cesse, inondant d'anecdotes variées sur sa rencontre avec ses acteurs, William Finley, Robert De Niro, John Lithgow, et sur ses actrices, Jennifer Salt, Nancy Allen, Amy Irving. Les actrices, il adore les déshabiller devant la caméra, ce sera l'un de ses leitmotive. Il évoque d'ailleurs lucidement la prétendue misogynie de ses films.

Des rencontres, il en a eu beaucoup. Evidemment celles avec Scorsese, Coppola, Lucas et Spielberg, celle avec Cassavetes, celle avec Kirk Douglas (deux films dont le très méconnu Homes movies). On apprend que Orson Welles ne savait pas son texte pour Got to know your rabbit, son premier film à Hollywood, que Cliff Robertson dans Obsession était jaloux de la prestance de Geneviève Bujold, qu'il avait prévu d'embaucher une actrice X pour le rôle de Mélanie Griffith dans Body double, que Sean Penn torturait Michael J. Fox sur le tournage d'Outrage

Mais que seraient les films de Brian De Palma sans la musique, celle de Bernard Herrmann, celle de Pino Donaggio, sans ses longs plans séquences tarabiscotés, sans ses déambulations (Pulsions au musée, Body double dans le centre commercial et L'Impasse dans le métro), sans ses demi-bonnettes où dans un plan deux perspectives s'affrontent, sans ses split-screens, de Dyonisos in 69 à Femme fatale en passant par Sœurs de sang et Carrie, les longs extraits donnent envie de revoir encore et encore ses films.

Brian De Palma est le plus loquace sur ses meilleurs films de sa période la plus féconde, c'est à dire entre Carrie et Snake eyes, 20 ans de génie quand même. Il n'est jamais dupe des ratages commerciaux ou artistiques, Furie par exemple qu'il n'aime pas, il passe rapidement sur ses derniers films, il évoque les films qu'il a refusés (Flashdance, Liaison fatale), il balance sur Oliver Stone qui perturbait Al Pacino sur le tournage de Scarface. Bref, ce voyage à travers le cinéma de Brian De Palma est le meilleur voyage à faire en ce moment.


















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