vendredi 17 janvier 2020

My darling Clementine (John Ford, 1946)

La nuit de My darling Clementine est l'une des plus belles du cinéma de John Ford qui en compte beaucoup de très belles. C'est une nuit américaine dont on voit clairement les nuages au dessus du désert de Monument Valley. C'est une nuit où se noue les enjeux narratifs du destin tragique des frères Earp de ce magnifique film dont j'utiliserai le titre original plutôt que La Poursuite infernale qui ne veut rien dire.

Avant la nuit, c'est l'arrivée des quatre frères Earp. Partis de l'est, ils traversent les prairies vers la Californie. Arrivés devant Monument Valley, sur une terre aride, dont Wyatt Earp (Henry Fonda) dira qu'elle est désolée (rough-looking country). C'est là qu'ils croisent le vieux Clanton (Walter Breenan) accompagné de son fils Ike (Grant Withers) au regard de fou. Le vieux veut lui racheter leur vaches pour trois fois rien. Wyatt refuse.

La ville la plus proche s'appelle Tombstone, un nom prédestiné pour le plus jeune des frères Earp, le gringalet James (Don Garner), au traits très juvéniles, si gentil, si doux, qui ne rêve qu'à trouver une épouse en Californie. Il est le seul à rester au campement. Morgan Earp (Ward Bond) et Virgil Earp (Tim Holt) partent avec Wyatt en ville, pour se raser chez le barbier du coin qui fait aussi dentiste. C'est déjà la nuit et déjà les ombres façonnent leur destin.

Les frères Earp ne voulaient pas rester là mais l’enchaînement des événements les forcent à s'établir. John Ford les emmène avec une précision redoutable, 5 minutes pour la présentation des frères puis de leurs futurs ennemis, les Clanton. 5 minutes chez le barbier et la découverte de la ville où la loi ne règne nulle part, où le shérif n'est pas respecté (l'Indien qui détruit tout sur son passage) suivie de l'arrivée des frères Clanton dans la ville.

Puis ce sont les 5 minutes où sous la pluie battante, Wyatt, Morgan et Virgil découvrent que leur jeune frangin a été abattu sur son cheval. John Ford multiplie les angles, les cadres obliques, les ombres, il filme beaucoup de dos. Cette introduction en clair-obscur est déchirante et d'une grande beauté. Quand le jour revient dans cette Amérique de 1882, Wyatt Earp décide de devenir shérif de Tombstone et My darling Clementine est sa légende.

Il faut maintenant que Wyatt Earp se confronte à Doc Holliday. Comme il l'avait fait dans le premier quart d'heure, l'arrivé du chirurgien dépressif et irascible que joue Victor Mature (pas franchement mon acteur préféré, mais tant pis) est menée par touches successives. La partie de poker où joue Wyatt, espionné par Chihuahua (Linda Darnell) est brutalement interrompue par Doc Holliday, par ailleurs l'amant de la belle Chihuahua, artiste du saloon.

La tension monte vite et la confrontation entre Doc et Earp a lieu sur un coin du zinc. Une confrontation de regards qui ne se répondent pas, ils se fuient et se cherchent. Le comptoir du bar sépare le cadre en deux et tout l'humour du barman (J. Farrell MacDonald, le seul personnage comique) n'aura de cesse de calmer cette tension qui grimpe. L'introduction de Doc Holliday s'achève avec l'homme désespéré en ombre devant le cadre de sa fenêtre.

Pendant cette première demi-heure où John Ford réussit l'exploit de mise en scène de ne montrer presque aucune action, que des personnages et de l'ambiance, on s'aperçoit maintenant que tout le monde est là qu'il manque tout simplement cette Clementine du titre. Personne n'en parlait, ni les Clanton, ni les Earp ni Doc Holliday, ni Chihuahua. Mais elle arrive un beau matin en diligence cette jeune Clementine (Cathy Downs).

Si personne n'en parlait c'est que personne n'en connaissait l'existence. Là encore c'est très puissant de la part de John Ford de construire un film sans qu'on parle de ce personnage du titre. On l'aurait presque oublié. Mais maintenant qu'elle est là, elle va cristalliser toutes les tensions accumulées entre les personnages et en créer d'autres, comme la jalousie de Chihuahua quand elle apprend que Clementine était l'ancienne fiancée de Doc Holliday.


Je ne connaissais pas l'histoire de Wyatt Earp, Doc Holliday et du règlement de comptes à OK Corrall, puisqu'il s'agit de cette histoire. J'avais sans doute vu des films à ce sujet, j'avais déjà vu ce John Ford, mais je l'ai redécouvert avec sa course poursuite (Doc va de droite à gauche dans le cadre et Wyatt de gauche à droite), chacun partant dans la même direction mais en sens inverse. Cette géniale idée sera reprise dans Le Massacre de Fort Apache.















































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