dimanche 5 janvier 2020

Complot de famille (Alfred Hitchcock, 1976)

J'ai toujours aimé regarder Complot de famille, ça ne m'était pas arrivé depuis bien longtemps mais quand j'étais adolescent dans les années 1980, le film passait souvent à la télé, sans aucun doute en français. C'était comme ça sauf pour le cinéma de minuit. Je crois que ce dernier film d'Alfred Hitchcock n'est pas ce qu'il a fait de mieux, quand j'écris « je crois », c'est une pure figure de rhétorique, le film est très en deçà de ses modèles La Mort aux trousses et Psychose auxquelles Complot de famille emprunte de nombreux motifs.

C'est d'abord une comédie, comme l'était La Mort aux trousses, avec le hasard qui s'immisce dans la vie de couple de petits escrocs, ils sont plutôt très sympathiques, elle Blanche Tyler (Barbara Harris) se rend chez des vieilles dames et joue à l'extra-lucide pour rentrer en contact avec les morts, elle prend la voix d'un certain « Henry ». Blanche et son compagnon George Lumley (Bruce Dern) enquêtent en amont sur ces petites vieilles trop crédules dans l'espoir de les arnaquer de quelques centaines de dollars. Voici le couple de petits escrocs.

Le film commence avec eux, avec la bonne bouille de Blanche. L'actrice joue de ses mimiques pour simuler son don, elle bouge beaucoup son visage et change sa voix avec une manière grotesque. Rien n'est crédible mais ça marche, la vieille dame à qui elle espère soutirer 10000$ croit à cette histoire. Elle charge Blanche de retrouver son neveu abandonné depuis son enfance. C'est George qui fait le limier entre ses trajets en taxi, non sans se faire engueuler par son patron. Bruce Dern lui joue le gars constamment énervé, une vraie pile électrique qui ne tient pas en place.

Comme dans Psychose, sans prévenir, le récit fait une bifurcation, habilement dressée par la rencontre percutante entre le taxi de George et une jeune femme blonde. Alors qu'Alfred Hitchcock filmait la longue conversation entre George et Blanche sur cet héritier potentiel à trouver (elle ne connaît ni son nom, ni son adresse), on bifurque sur un autre récit et sur un deuxième couple d'escrocs emmené par Fran (Karen Black), immense femme blonde qui traverse la rue. La narration commence toujours par les femmes dans Complot de famille.

Ce hasard au coin d'une rue tout à fait improbable est le même hasard dans La Mort aux trousses qui fait passer Cary Grant pour un personnage qu'il n'est pas. Il n'y a aucune probabilité pour que Fran soit justement l'épouse de ce neveu abandonné par la vieille dame qui consulte Blanche. Mais je me suis toujours demandé comment Hitchcock réussissait à instaurer l'idée que Fran va mener à cet héritier. Mais d'abord il faut suivre l'arnaque de cette mystérieuse femme blonde qui, contrairement à la bavarde Blanche, ne dit pas un mot.

Ce couple d'escrocs que forme Fran avec Arthur Adamson (William Devane) est parallèle avec Blanche et George mais il en est l'antithèse. Tout d'abord parce que les escroqueries d'Arthur sont bien plus importants. Il vole des diamants. Surtout, ses plans sont extrêmement élaborés comme on le découvre dans ce long trajet silencieux qu'effectue Fran pour aller récupérer ce diamant contre la libération de leur otage. La minutie de leur coup est montrée dans tous les détails. Là réside le plaisir principal du film, dans cette organisation planifiée.

Il ne reste plus qu'à les confronter les deux couples et à explorer le passé, car la narration flotte aussi vers la mort : les défunts avec qui Blanche peut communiquer, les deux visites au cimetière et Hitchcock qui apparaît au dessus du mot « death ». Or, Arthur n'est rien d'autre qu'un mort qui continue de hanter la vie de sa tante mais aussi de ceux qui l'ont aidé à s'inventer une nouvelle vie et qu'il va se charger de faire disparaître, se sentant menacé par l'enquête bouillonne mais efficace de Blanche et George. Ils sont aux trousses d'un mort bien vivant.


Le voleur de diamant, cet Arthur déclare le sourire en coin qu'il va cacher le joyau qu'il vient de subtiliser là où « tout le monde peut le voir ». Ça m'a toujours fasciné cette idée de mettre un diamant volé sur un lustre entouré de verre blanc (j'aime beaucoup le finale quand Blanche le trouve grâce à des dons qu'elle découvre enfin). Quand le dernier plan de Snake eyes commence, Brian de Palma installe aussi son diamant à la vue de tous mais personne ne le voit. J'ai toujours vu ce dernier plan de Snake eyes comme un hommage évident au dernier film d'Alfred Hitchcock.



























Aucun commentaire: