lundi 9 janvier 2017

Nuit et brouillard au japon (Nagisa Oshima, 1960)

Les fantômes du passé sont les invités surprise du mariage de Nozawa (Fumio Watanabe) et Reiko (Miyuki Kuwano). En cette journée d’automne 1960, les deux fiancés ont convié à leur cérémonie tous les camarades étudiants, anciens pour Nozawa, désormais journaliste et actuels pour Reiko, encore à l’université. Udagawa (Hiroshi Akutagawa), un ancien professeur du marié fait le traditionnel discours où il explique que même s’il n’a pas toujours soutenu les opinions politiques de ses étudiants, il les a constamment respectées. Il est alors interrompu par Ota (Masahiko Tsugawa), qui n’était pourtant pas invité et qui est recherché par la police. Ce dernier commence à parler à l’assemblée de Kitami.

Cet homme, Kitami (Toru Ajioka) a disparu après les manifestations du 15 juin 1960 où des étudiants gauchistes (pour ne pas dire communistes) ont été tabassés par la police pour avoir protesté contre la signature d’un traité entre le Japon et les Etats-Unis. La manifestation est reconstituée avec cinq militants qui, face caméra, devant un fond noir, narrent les événements. Cela rappelle à Takumi (Ichiro Hayami), un autre invité ce qui s’est passé en 1953 avec la disparition puis la mort de Takao, un de leurs amis alors que Nozawa était encore étudiant et qu’il était un militant communiste. Il s’agit dans Nuit et brouillard au Japon d’évoquer la radicalisation des militants de gauche, le mariage entre Nozawa (l’ancienne garde née sous Staline en pleine guerre de Corée) et Reiko (la nouvelle garde née quand la société japonaise s’occidentalise à outrance) est le symbole de la réconciliation entre les deux tendances.

Le film est construit en longs flash-backs entre les trois moments (1953, le 15 juin 1960 et le mariage). Chaque souvenir s’ouvre sur un fondu au noir, non pas effectué au montage mais en éteignant les lumières du plateau de tournage. Cela produit un effet lugubre accentué par des longs et superbes plans séquence où tous les protagonistes s’observent. Chaque personnage raconte sa version des faits sur ces deux disparitions qui sont autant d’énigmes à résoudre. La tension entre les personnages augmente au fur et à mesure que le suspense grandit et que les langues se délient. Takao a-t-il libéré un mouchard à la solde de la police venu les espionner ? Qui pense que la ligne du parti défendue par Nakayama, chef de la section étudiante, est la bonne ? Fallait-il aller manifester contre le traité alors que cela est probablement vain ? Ils semblent bien incapables, engoncés dans leur conviction, de répondre.

C’est la théâtralité du discours politique qui est mise en pièce par Nagisa Oshima. Il montre précisément que les slogans, les directives politiques et les idéaux vont à l’encontre des actes des étudiants communistes. Ils discutent sans cesse mais n’agissent jamais. Qui plus est, leur vie est devenue l’inverse de ce qu’ils combattaient jadis : un mariage et des professions petit-bourgeois. Le vernis se craque encore plus quand l’épouse de Nakayama doit confesser qu’elle était, en 1953, la maîtresse de Nozawa. Ensemble, ils écoutaient des disques de Chostakowich et rêvaient de fuir amoureusement ensemble. Nuit et brouillard au Japon n’est pas seulement la critique acérée et exigeante des militants communistes mais également la marque d’une déception de Nagisa Oshima devant la débandade d’idéaux qu’il partageait quand il était lui-même étudiant.

















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