lundi 23 janvier 2017

Mikey and Nicky (Elaine May, 1976)

« Mikey, I'm in trouble », la voix de Nicky (John Cassavetes) est fébrile quand il appelle son ami Mikey (Peter Falk) – à prononcer maille-qui et non pas mi-qué – coincé dans une chambre d'hôtel minable, ironiquement nommé Royal Hotel. Nicky se saisit d'un revolver, allume une cigarette, ouvre un journal où l'on parle d'un casse d'un bookmaker qui s'est soldé par des morts. Débraillé, mal rasé, fatigué, Nicky se terre, il est caché, il ne sait pas quoi faire à part appeler la seule personne en qui il a confiance, ce Mikey qu'il connaît depuis plus de 30 ans.

Quand Mikey arrive en bas de l'hôtel, Nicky regarde par la fenêtre, prend une bouteille de whisky, l'entoure d'une serviette et la balance sur le bitume en direction de Mikey. « T'as failli me percer un œil » dira Mikey, furibard, à son ami une fois qu'il a réussi à pénétrer dans la chambre. Parce que Nicky a bien du mal à accepter d'ouvrir la porte, il s'imagine que son pote est venu avec des tueurs. Ça tambourine à la porte, ça gueule des deux côtés, ça se lance des reproches, Mikey négocie son entrée dans la chambre et le regard de Nicky devient celui d'un fou.

Calmer son ami en l'enlaçant, lui faire ingurgiter un petit calmant pour adoucir son ulcère et puis sortir en courant aller acheter du lait à la crème pour avaler les pilules. Et rebelote, Nicky ne veut plus ouvrir à Mikey. Puis, il faut quitter la ville. Comment partir ? En train, en avion, en voiture ? Il commence à être tard, Elaine May concentre le récit de Mikey and Nicky sur quelques heures, de 21 heures à 5 heures du matin, les gros plans sur les horloges, sur la montre de Mikey, cadeau de son père décédé 20 ans plus tôt, scandent le tempo du film. Un compte à rebours fatal.

Rarement j'ai vu un film à l'atmosphère aussi poisseuse accentuée par le jeu de John Cassavetes, survolté et épuisant pour le spectateur que je suis. Tout à sa paranoïa, à son anxiété, ses regards perçants et menaçants sont soudain coupés par un rire rauque plein des cigarettes que les deux hommes ne cessent jamais de fumer. Peter Falk est d'un calme impénétrable et ineffable, il cherche à trouver les mots justes pour calmer son pote. Le contraste est d'autant plus fulgurant qu'assez vite on comprend que Mikey est là pour surveiller Nicky.

Quand Mikey (en marchant nonchalamment) et Nicky (en courant furtivement) quittent enfin l'hôtel, le film embraye sur un road movie minimaliste dans divers lieux de Philadelphie. Un bar de nuit rempli de vieux, un club de Noirs où Nicky drague avec arrogance une jeune femme ce qui provoque la colère de son mec, un passage dans un bus, un arrêt dans une épicerie où Nicky achète des bonbons. Et pendant ce temps, Warren (Ned Beatty) tente, avec toute sa balourdise, de les suivre, c'est lui qui doit flinguer Nicky sur ordre de leur patron.

Entre chaque étape, les deux hommes croisent, appellent, réclament des femmes. Mikey téléphone à sa femme Annie (Rose Arrick) qui sert de relais avec le tueur à gages, Nicky se réfugie chez Nellie (Carol Grace) sa maîtresse blonde qui les accueille et plus tard chez Jan (Joyce Van Patten) l'épouse de Nicky partie se réfugier chez sa mère. Ailleurs, une dame dans le bus les rabroue quand Nicky allume une clope, malgré l'interdiction. Dernière femme, la mère de Nicky, décédée. Au beau milieu de la nuit, les deux amis pénètrent dans le cimetière où elle est enterrée.

Regarder pour la première fois Mikey and Nicky quelques jours après avoir découvert Ishtar crée un choc esthétique tant les films sont en apparence opposés, ces deux duos d'hommes ont cependant en commun de montrer deux gars perdus, erratiques et un peu minables avec les femmes. L'aspect poisseux du film évoqué plus haut gangrène l'amitié entre les deux hommes, entre le chien fou en quête de ses derniers moments de liberté qui insulte puis humilie et le traître qui ne veut rien d'autre que retrouver le confort de sa petite maison de banlieue. Tout cela finit très mal.


























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