mercredi 11 janvier 2017

Le Grondement de la montagne (Mikio Naruse, 1954)

Le sourire de Setsuko Hara est l’une des merveilles du cinéma japonais. L’actrice incarne dans Le Grondement de la montagne Kikuko, jeune femme pleine d’entrain, qui accueille son beau père, Shingo Ogata (Sō Yamamura). Derrière une palissade, le beau-père admire un magnifique tournesol, il ne fait ainsi que le comparer avec le sourire de sa belle-fille. L’idée de ce drame sur l’adultère, est d'effacer ce sourire tandis que les tensions augmentent dans la coquette maison de la banlieue de Tokyo.

La séquence d’ouverture du Grondement de la montagne qui ressort cette semaine en salles, annonce que Suichi (Ken Uehara) a une maîtresse. C’est la colocataire de sa secrétaire. Il aime, après le travail, aller danser avec elle, il aime écouter sa maîtresse chanter. Le père, qui a bien compris le manège de son fils qui lui affirme que sa maîtresse est comme l’eau d’un torrent tandis que Kikuko est comme l’eau d’un lac. Arrivé tard au foyer, Suichi est froid.

L’épouse qui le reçoit avec son large sourire, le perd vite quand il refuse le repas, le bain et la serviette qu’elle lui propose. Il la considère comme une enfant tout juste bonne à servir de domestique à la maison. Sur ce point, la mère Yasuko (Teruko Nagaoka) est d’accord sur le supposé manque de caractère de sa belle-fille. Elle sera d’ailleurs tout étonnée lorsque Kikuko prend une décision, la plus importante de sa vie.

L’arrivée de Fusako (Chieko Nakakita), la sœur cadette de Suichi, qui a quitté son mari avec ses deux enfants, va accentuer le malaise de la famille. Fusako a décidé de prendre du large et cela va influencer le destin de Kikuko. Cette dernière aide la famille à faire à manger. Quand, un jour, elle oublie de se lever, elle s’excuse platement.

La comparaison entre les deux femmes augmente par rapport aux enfants. Kikuko n’est pas encore mère, au grand désespoir de sa belle-mère qui rêve d’être grand-mère. Comme souvent chez Mikio Naruse, le doute sur qui, de Kikuko et Suichi, ne veut pas un enfant, demeure irrésolu. Le ton du film se fait de plus en plus amer, le visage de Kikuko se ferme de plus en plus, pour poursuivre la métaphore, le tournesol est brisé par un violent orage.

Parce qu’il a de l’affection pour sa belle-fille, Shingo va tout faire pour rétablir la situation. Discuter avec le fils adultère, convaincre la secrétaire de donner le nom de la maîtresse, parler avec Kikuko des problèmes qu’elle rencontre. Le film s’apparente à une enquête policière où le chef de famille finit par comprendre que le vrai responsable n’est aucun des membres de la famille mais plutôt la manière dont elle est agencée où les jeunes couples doivent vivre avec les parents du fils.

Le Gondement de la montagne, tiré d’un roman de Kawabata, analyse, avec sérénité et force, la situation d’un Japon de 1953 encore largement engoncé dans une tradition qui brise les couples. Lors de la dernière et émouvante séquence, le beau-père console sa belle-fille qui pleure toutes les larmes de son corps pour enfin retrouver son sourire. On ne peut pas enlever le sourire de Setsuko Hara de sa mémoire.
Le Grondement de la montagne (山の音, Japon, 1953) Un film de Mikio Naruse avec Setsuko Hara, Ken Uehara, Sō Yamamura, Teruko Nagaoka, Yōko Sugi, Chieko Nakakita.

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