mercredi 25 janvier 2017

La La Land (Damien Chazelle, 2016)

Hier, la liste des films nommés aux Oscar a été annoncé, et avec 14 nominations La La Land se taille la part du lion. Après la bronca phénoménale de l'absence d'acteurs et d'actrices Afro-américains dans les catégories phares, l'Académie a fait quelques efforts, ce sont des films qui ne sont pas encore sortis en France (Moonlight, Fences, Les Figures de l'ombre, trois films tournés vers le passé, aucun film contemporain, ce qui en dit long sur ce passé américain qui ne passe pas tout autant que sur l'incapacité à offrir des rôles actuels, des personnages de notre temps). Etrangement, comme aux Golden Globes, on a l'impression que La La Land a déjà gagné.

Presque aucun acteur Afro-américain dans La La Land, si ce n'est dans l'épatante séquence d'ouverture, colorée et ensoleillée, des dizaines de danseuses et de danseurs qui sortent des automobiles lors d'un terrible bouchon sur un pont d'autoroute de Los Angeles. La caméra virevolte entre tous ces figurants qui entonnent, les uns après les autres, la chanson joyeuse dans son air mais sarcastique dans son ton, on cause pollution, embouteillage, boulot, angoisse, le tout avec un large sourire par des jeunes gens bien habillés et jolis de leur personne. Tout le film est résumé dans ces quelques minutes, un réalisme de vie banale décrit avec les artifices de la comédie musicale.

Donc deux gentils Blancs, Sebastian (Ryan Gosling) et Mia (Emma Stone) qui se croisent sur cette autoroute. Lui écoute du jazz dans sa Buick décapotable et elle répète pour une audition dans sa Toyota Prius. Dès le départ, les oppositions entre les deux personnages sont établis, les voitures disent qu'ils sont d'univers totalement différents. Il klaxonne comme un dingue pour la faire démarrer (ce sera un motif récurrent du film, Sebastian arrivera devant chez Mia en klaxonnant très fort), elle lui fait un doigt tandis qu'il la double. C'est parti pour deux heures de hasards et coïncidences, comme dirait Claude Lelouch, avant qu'ils ne s'aiment.

Elle est actrice à Hollywood mais en attendant, elle vend des cafés dans le studio Warner (producteur du film, leur logo apparaît en 1:37 et noir et blanc comme celui de Cinemascope qui s'étend en format large et se colorise), lui est pianiste de jazz mais il doit jouer dans des bars de la musique d’ascenseur. Elle rate tous ses castings, et encore elle n'auditionne que pour des séries télé, lui se fait virer par le patron quand il se lance dans une improvisation de free jazz. Et c'est dans cette boîte de jazz qu'ils se croisent une deuxième fois, mais Sebastian la bouscule en quittant les lieux. Deuxième rendez-vous raté.

Je crois que la chose la plus étonnante dans La La Land est ce choix de ne pas avoir d'autres personnages que Sebastian et Mia. En début de film, Mia est chez elle avec ses trois colocataires, apprenties actrices comme elle, et Damien Chazelle tente de mettre en scène leur complicité. Le ton est très forcé, tout comme quand Sebastian croise Keith (John Legend), un ancien comparse musicien. Il va intégrer le groupe de Keith. Sebastian et Mia n'ont aucun meilleur ami, les parents de cette dernière ne sont que des figurants, Keith n'a que quelques scènes, les colocataires interviennent à peine.

Ce choix a un effet désastreux sur la narration du film. Nos deux amoureux n'ont personne à qui exprimer leurs sentiments si ce n'est à l'une et l'autre. La conséquence directe est que tout passe par des tunnels de dialogues filmés dans un banal champ-contrechamp (la terrible scène du repas surprise qui s'avère un désastre), après les disputes, ils n'ont personne à qui se confesser et ils partent se promener dans la ville, surtout la nuit, où les visages prennent les lumières des néons (ah le visage vert d'Emma Stone quand tout va mal), puis ils se séparent et adoptent des vies qu'ils méprisaient jusque là. Oui, car ils ne juraient que dans leur intégrité.

Entre les tunnels de discussion, Damien Chazelle inclut des chansons. Il faut constater assez vite que toutes se ressemblent, que les pas de danse (très rares) sont peu assurés. Parfois, un sursaut de créativité (Mia vole dans l'observatoire) relève l'intérêt. La La Land est assez plaqué sur le scénario de Chantons sous la pluie avec des clins d’œil à New York New York (deux artistes, Hollywood, les amours contrariées). Pour tout dire, le meilleur moment est la deuxième fin qui rappelle celle des deux films précités. Malgré ses défauts, je préfère Crazy stupid love à La La Land, première romance entre Emma Stone et Ryan Gosling, ne serait-ce que pour cette fameuse scène se strip-tease qui a tant fait pour la carrière de l'acteur.

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