lundi 17 octobre 2016

Touche pas à la femme blanche (Marco Ferreri, 1973)

Pendant que les pavillons Baltard étaient détruits par les pelleteuses de Pompidou, Marco Ferreri décide de réunir les quatre gars de La Grande bouffe et de passer l'été à tourner un western. Adieu les complets vestons et les sous-pulls, bonjour les uniformes de l'armée américaine. Après tout quoi de plus logique, le général Custer a mené ses plus grosses guerres contre les Indiens, celles que Raoul Walsh a rendues sublimes dans La Charge fantastique, justement quand Baltard construisait ses halles.

Ainsi par ordre d'apparition à l'écran, Philippe Noiret est le général Terry, vaguement à la retraite et que des hommes cravatés commandités par le Président Nixon vont charger de massacrer les Indiens. Arrive le général Custer (Marcello Mastroianni) flanqué de Mitch (Ugo Tognazzi) son éclaireur, renégat Indien. Enfin, pour compléter la troupe, Buffalo Bill (Michel Piccoli) arrive avec son cirque et Calamity Jane. Le film joue sur le glissement anachronique, en 100 ans, rien n'a changé.

Dans les quelques scènes extérieures, et notamment celles où Custer va dédicacer son livre dans une librairie, on remarque que les Parisiens observent les stars s'amuser comme des enfants à jouer aux cow-boys et aux indiens. Palme du cabotinage à Custer, il grimace, il éructe et il se met au garde à vous à chacune de ses arrivées en tapant du talon sur le sol, énervant le pauvre général Terry, il frappe les hommes cravatés (on les appellera des lobbyistes) qui oseraient des familiarités.

Et au milieu de ces hommes, deux mondaines Sister Lucy (Monique Chomette) et Marie-Hélène de Boismonfrais. Catherine Deneuve pour ce rôle de femme effarouchée s'est équipée d'une chevelure rousse. C'est à elle qu'on doit les répliques les plus drôles, les plus singulières, les plus ironiques. Après avoir aidé un vétérinaire (Darry Cowl génial) à empailler des Indiens avec des journaux, elle refuse, les mains pleines de sang, une tasse de café « ah non, c'est trop fort pour moi ».

C'est magnifique ce duo que Catherine Deneuve forme avec Marcello Mastroianni (tellement plus percutant que leur précédent film ensemble L’Evénement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune de Jacques Demy), chacun sort les pires horreurs sur les Indiens, vantent la beauté de la guerre, exaltent la pureté de leur amour naissant avec un air de ne pas y toucher (ah, la scène de baise sous le portrait de Nixon). Elle avec un visage mutin et une fausse innocence, lui joue au grand seigneur et est fier d'aller massacrer.

Dans le trou du futur Forum des Halles, Marco Ferreri place ses Indiens et leur chef Taureau Assis (Alain Cuny) et son fou (Serge Reggiani), pratiquement nu qui exhorte le chef à combattre Custer. Derrière eux, les Indiens figurants joués par des Maghrébins, des Italiens, des Portugais comme le disait le cinéaste, tous les rejetés de la France de 1973. Et le miracle de Touche pas à la femme blanche est d'imprimer la réalité quand les cinéastes américains ne faisaient que raconter des légendes.

Derrière le burlesque des situations, derrière le grotesque de l'accent anglais forcé de Michel Piccoli, derrière les grands discours des hommes de Nixon, derrière la bêtise crasse de Custer et Marie-Hélène se cachent l'horreur de l'histoire de la poursuite du bonheur, du rêve américain et de la dernière frontière, ces utopies fallacieuses. Les immeubles de Paris, les pelleteuses et les barrières en plastic n'empêchent jamais de rendre tangible la réalité de la vie des Indiens en 1870 comme une métaphore de la vie des immigrés d'aujourd'hui.





















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