mercredi 26 octobre 2016

Moi, Daniel Blake (Ken Loach, 2016)

Comme d'autres lisent le Prix Goncourt ou achètent le dernier iPhone, je vais voir chaque année la Palme d'or. Cette année Moi, Daniel Blake de Ken Loach, 100 minutes, ce qui est très bien pour moi, j'aime les films courts et j'avais souffert avec La Vie d'Adèle et Winter sleep (plus de trois heures). Dix ans après Le Vent se lève que j'avais mollement apprécié, je me retrouve devant un bien joli film d'une grande simplicité, d'une redoutable efficacité et paradoxalement très joyeux. Car le sujet n'est pas tout rose.

Daniel Blake (Dave Johns) est un charpentier en arrêt de travail après une crise cardiaque. Son médecin, son kiné lui ont imposé de ne plus travailler. Quand commence le film, il est au téléphone avec une « professionnelle de la santé » pour demander une indemnisation pendant son chômage forcé. Mais on lui déclare qu'il est tout à fait apte au travail. La « professionnelle » lui demande s'il peut lever les mains, s'il peut appuyer sur les touches, il répond, agacé, qu'il est malade du cœur et pas des bras ou des mains.

Puis, c'est une visite à l'agence pour l'emploi locale. Des bureaux où les agents reçoivent les chômeurs sans sourire. Un vigile veille à ce que personne n'élève la voix. Un homme ventile les demandeurs d'emploi. Daniel Blake attend sagement son tour et il est reçu par Sheila (les agents portent un badge avec uniquement leur prénom), aussi aimable qu'une porte de prison et aussi compréhensive qu'un garde chiourme. C'est le début d'un parcours du combattant pour le vieil homme de presque 60 ans.

Impossible de ne pas penser à l'excellente série britannique Little Britain où une femme déclarait à chaque personne qu'elle recevait « computer says NO ». Rien ne sera épargné à Daniel Blake. Sous peine de sanctions lourdes, il est obligé de passer 35h à cherche du boulot, à aller à une formation sur le CV et rendre compte, avec des preuves, de ses recherches d'emploi. Sauf qu'il n'a pas le droit de travailler parce qu'il est gravement malade. Cercle vicieux que Ken Loach décrit avec patience et clarté.

Lors de certaines scènes, on se croirait dans une tyrannie où les agents reçoivent des ordres de décourager les demandeurs d'aide sociale. Ils espèrent qu'ils abandonneront les démarches. Le regard effrayé d'Ann, agent du Pôle emploi, qui voulait aider Daniel, raconte tout le système vicié dans lequel le gouvernement britannique a enfermé ses travailleurs. Un film à montrer à tous les démagogues qui vantent le « modèle » anglais et les politiciens de métier qui parlent des assistés.

Si je dis que Moi, Daniel Blake est un film joyeux, c'est parce que son personnage arbore constamment un petit sourire ironique. C'est aussi parce que ses deux voisins de palier, deux jeunes en colocation, apportent un peu d'humour. L'un d'eux appelé China fait des petits trafics de chaussures de sport, l'autre rigole un peu bêtement. Daniel gronde gentiment China qui laisse chaque jour sa poubelle devant la porte. « Tiens, t'as mangé du poulet indien hier ». dit-il en sentant la carcasse dans le sac poubelle.

Le portrait de Daniel Blake ne serait pas complet sans évoquer sa rencontre amicale avec Katie (Hayley Squires), jeune maman de deux enfants Daisy et Dylan, débarquée de Londres à Newcastle. Puisque les services sociaux les traitent pis que pendre, Daniel va prendre soin d'elle et des enfants, leur offrir un peu de sa joie de vivre. Ken Loach traite avec une infinie tendresse cette amitié naissante, cette complicité, les errements de Katie, les rapports avec les enfants. Oui, je le dis, j'ai aimé ce film de Ken Loach.

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