dimanche 5 mai 2019

Viva la vie (Claude Lelouch, 1984)

En 1981, Prince chantait à qui voulait l'entendre « Ronnie talk to Russia before it's too late », apostrophant Reagan sur la prolifération des armes nucléaires, sa chanson durait à peine deux minutes. En 1984, Claude Lelouch avait les mêmes préoccupations, il s'inquiétait de cette résurgence de la guerre froide et livrait l'un des ses films les plus hallucinants, 105 minutes de pur délire comme le cinéaste a dû en faire pas mal dans les années 1980, ses années new age.

Les premières minutes expriment l'apocalypse qui pourraient arriver chez nous, puisque Paris est entre Moscou et New York, si ces deux-là ne s'entendaient pas. Claude Lelouch filme des scènes de foule qui fuit, c'est plutôt impressionnant. Il s'y décèle la confusion, l'angoisse, la panique. On pensait que Lelouch était le cinéaste de l'intime, du couple mais il se débrouille remarquablement avec ces hordes qui traversent cet ensemble d'immeuble pour se réfugier dans les abris.

Avant que les vedettes n'entrent en jeu (il y en a de la star du cinéma français), Claude Lelouch vient en personne causer dans une variation de mise en abyme qui sent le ridicule par rapport à cette séquence d'ouverture qui laissait promettre autre chose. Claude est interviewé à la radio par Laurent Malet et Martin Lamotte, il demande à ce qu'on ne révèle rien sur l'intrigue du film, il demande au spectateur de rentrer candide à la séance.

On commence à apercevoir Jean-Louis Trintignant (qui croisera d'ailleurs Anouk Aimée, chabadabada). Il cause cinoche (en vérité, il imite à la perfection Claude Lelouch). Il fait des vocalise avec Evelyne Bouix. Ils sont amants et pensent ainsi créer de la poésie lors des cours de théâtre que Trintignant donne à des élèves enthousiastes, forcément ce qu'il dit est d'une infinie profondeur (ah le couplet sur le cinéma d'auteur, Lelouch n'est pas rancunier).

Loin du théâtre, un homme d'affaires, loin de la ville, une maison cossue à la campagne. Voici Michel Piccoli qui vit avec Charlotte Rampling. Elle reçoit un architecte (Ged Marlon) pour installer à la place de la piscine un abri anti-atomique (1984 ça craignait). Les domestiques, Charles Gérard et Myriam Boyer, vont et viennent entre les cuisines et le salon. Viva la vie est un peu le La Règle du jeu de Claude Lelouch, un Jean Renoir des temps modernes qui avait tout prévu.

Après de laborieuses présentations des personnages, après le développement de la tension vient le cœur du film, la disparition de deux personnages, celui d'Evelyne Bouix et de Michel Piccoli. Ils disparaissent trois jours pendant lesquels la vie des autres se voit bouleversée. Un jour, ils refont surface, demandent à boire des grands verres d'eau et là, incroyable mais vrai, ils ne se souviennent de rien, ils pensent que seules cinq minutes se sont passées depuis.

Sur l'air d'une chanson de Didier Barbelivien qu'on entend toutes les dix minutes (c'est dire si on est proche du film d'horreur), Piccoli et Bouix viennent délivrer le message d'extra-terrestres. Ils vont venir éradiquer la Terre de ses humains belliqueux. Viva la vie n'est pas seulement La Règle du jeu mais aussi Rencontres du troisième type, sans qu'on ne voit jamais les aliens, il suffit d'imaginer leurs représentants convaincre Michel et Evelyne.


On croise un inspecteur (Jacques Nolot), un type qui livre du caviar (Denis Lavant, Viva la vie est sorti la même année que le premier Léos Carax) et Charles Aznavour en grand ordonnateur de toute cette histoire fumeuse sur la Paix (qui est Bien), sur la Guerre (qui est Mal), sur l'Amour (qui est compliqué). Le tout est un prêchi-prêcha indigeste mâtiné de retournements de situation mal ficelés, son essai de science fiction française s'écroule comme un château de sable au bord de mer.


























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