mardi 7 mai 2019

Gumshoe (Stephen Frears, 1971)

« Ecrire Le Faucon maltais, enregistrer Blue Suede Shoes et jouer à Las Vegas. » Eddie Ginley (Albert Finney) décrit ce qu'il aimerait faire dans la vie à son psychiatre. Car ce jour-là quand commence Gumshoe, il a 31 ans, c'est son anniversaire mais il est seul, il s'est fait largué par sa femme qui est parti avec son frère. Alors Eddie Ginley déprime et soliloque dans une voix off ironique et désopilante qui pose le ton de ce premier film de Stephen Frears.

Le générique qui suit rapidement cette courte visite chez le psy où il confesse être un gros raté prolonge ce ton parodique avec des cartons comme dans un film d'Humphrey Bogart, le modèle de Ginley qui porte un pardessus et un chapeau mou. L'acteur disparu le 7 février 2019 joue le jeu dans une composition à la fois premier degré (l'image de marque du détective américain) et au second degré (les dialogues qui font mouche dans de nombreuses références aux films noirs classiques).

Seulement voilà, Eddie vit à Liverpool en 1971 et pas aux Etats-Unis en 1944, là fait toute la différence mais comme dans Le Grand sommeil, on ne comprend absolument rien à cette histoire si ce n'est qu'Eddie, au-delà de plusieurs remarques racistes et misogynes, est balancé dans un récit que le spectateur découvre en même temps que lui, personne n'est en avance et à la fin tout est enfin révélé dans un jubilation communicative.

En début de film, Eddie présente sa petite annonce qu'il fait paraître dans un journal. Jusque là il bossait dans un dancing tout simplement nommé le Broadway, il fait le camelot, annonce les artistes et lance les numéros du bingo. Le public est très âgé et le patron Tommy (Billy Dean) truque les photos qui ornent le mur où il est avec un grand nombre de vedettes, tous les autographes ont la même écriture. Les murs ressemblent à ces vieux diners américains.

Effectivement, il est loin du Faucon maltais. Comme dans le film de John Huston, un objet est au centre du récit, un pur McGuffin dont plusieurs personnages veulent s'emparer, dont un tueur à gages moustachu. Il trouve également sur son chemin une femme fatale nommée Miss Blankerscoon (Janice Rule), en tout cas elle se comporte comme telle dans sa voiture de luxe et fumant ses cigarettes fines.

Perdus dans le récit mais toujours avec la volonté de comprendre, c'est pour cela que le film va à 100 à l'heure et que Albert Finney est virevoltant qu'il repasse ses chemises en caleçon ou dans la cuisine avec son ex-femme Ellen (Billie Whitelaw) en train de s'envoyer l'une l'autre des piques cinglantes puis éventuellement coucher ensemble dans un sens de l'humour absurde (faire de son ex-épouse sa maîtresse) qui rend le film si spirituel.


Tandis que tout devient plus compliqué, il se dessine la réponse à toutes les questions posées et cela prend un retournement politique où la corruption fait surface, où des liens entre l'Afrique du sud et des hommes d'affaires anglais sont au cœur de l'histoire. Les propos racistes de Ginley prennent un écho différent et tout le récit se replie, tout commence à résonner, depuis ce premier coup de téléphone qui engage Eddie dans cette aventure jusqu'à cette prise d'otage dans une voiture de luxe.























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